Matignon n'exclut pas de rayer un jour férié du calendrier, après consultation du Parlement, afin de venir en aide aux personnes dépendantes. Cette mesure-choc s'inscrirait dans le plan quinquennal Vieillissement et Solidarités, qui contiendra des « mesures d'urgence » pour la dépendance concernant aussi bien les anciens que les handicapés, actuellement en préparation.
Le secrétaire d'Etat aux Personnes âgées parle d' « une piste », ce que confirme Jean-Pierre Raffarin en ces termes : « C'est une idée qui a été mise en uvre en Allemagne. Nous avons décidé de l'explorer, comme nous en explorons un certain nombre d'autres. Elle vise à supprimer un des lundis qui est férié. » Il faut « discuter par concertation nationale de la possibilité de faire en sorte que, une journée par an, on puisse travailler pour la solidarité », ajoute-t-il.
Un Fonds de la dépendance
Le jour férié supprimé pourrait être le lundi de Pentecôte. « Il n'y a pas d'objection d'ordre religieux », fait savoir le cardinal Lustiger, archevêque de Paris. Portant à 221 le nombre de jours travaillés, il permettrait, selon des modalités à définir, d'alimenter un Fonds de la dépendance destiné à améliorer la prise en charge des anciens en maisons de retraite ou à domicile. L'hypothèse est diversement accueillie. Pour Marc Blondel, secrétaire général de FO, le gouvernement essaye « de ramasser tous les morceaux » et de « gérer le temps ». Il indique que le Premier ministre avait évoqué avec lui « l'idée de travailler une journée gratuitement et d'affecter le résultat pour les handicapés, une idée que lui avait suggérée Mattei ». « Ce que je réclame, dit-il, c'est qu'on donne les moyens de subvenir aux besoins des personnes âgées, ce qui veut dire qu'on commence par respecter leurs retraites (...) et qu'on maintienne l'Allocation personnalisée d'autonomie à un niveau qui leur permet, le cas échéant, d'aller dans une maison de retraite. »
La CFDT appelle à autre chose qu'à « des effets d'annonce sans concertation sérieuse ». Mais elle rejette « la mise en place d'une assurance spécifique aux personnes âgées (5e risque de l'assurance-maladie), qui remettrait en cause la solidarité entre les générations », souhaitée par la CGC et France Alzheimer. Selon les cédétistes, « les financements nécessaires doivent concerner tous les revenus et pas les seuls salariés ».
Au PS, on déclare que « les jours chômés sont payés, et font l'objet de prélèvements sociaux », jugeant que la suggestion du gouvernement n'est « pas adaptée à l'enjeu ». Les socialistes demandent « solennellement que les 100 millions d'euros prévus pour la médicalisation des maisons de retraite, et supprimés en mars, soient affectés immédiatement à la modernisation des établissements ».
Quant aux Français, ils sont en majorité (8 sur 10) prêts à renoncer à un jour férié ou à une journée de RTT, selon un sondage TNS-SOFRES/« Notre temps » des 23-24 juillet. Edouard Balladur va jusqu'à recommander la suppression de deux jours chômés.
Que feront les entreprises ?
La réforme envisagée pour les personnes dépendantes par les pouvoirs publics nécessiterait 250 millions d'euros de dépenses annuelles de fonctionnement, d'après le secrétaire d'Etat Hubert Falco, alors que le gain annuel du jour férié travaillé est évalué à 1,8 milliard d'euros par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Toutefois, un tel apport ne peut être obtenu que si les entreprises décident d'augmenter leur production en proportion de ce jour travaillé. Or, « dans le contexte actuel d'économie freinée, elles pourraient être tentées de licencier », met en garde l'OFCE.
La quinzaine d'organisations liées à l'accueil des anciens, qui participent aux négociations sur le plan Vieillissement et Solidarités, chiffrent les besoins à 7 milliards d'euros sur 3,5 ans ou 7 ans. Toutes, à l'instar du Syndicat des maisons de retraites privées, pourraient agir « comme un pitbull au mollet du gouvernement » afin d'obtenir des moyens urgents. D'ores et déjà, la Fédération des établissements d'hébergement et d'assistance privés indique que « 80 % des établissements n'ont pas bénéficié du plan de médicalisation » des structures recevant des personnes âgées dépendantes, qui existe depuis trois ans. Pour contribuer au débat, le Syndicat national des cadres hospitaliers propose, entre autres, des « schémas régionaux d'organisation sanitaire spécifique en gériatrie, une sectorisation gériatrique et des unités mobiles de gériatrie ». Et il fait remarquer, avec les praticiens hospitaliers, que la permanence des soins « ne saurait être assurée par les seuls services d'urgence des hôpitaux ». « La médecine libérale doit également s'organiser pour y répondre », précise-t-il.
Qu'adviendra-t-il du futur jour chômé travaillé ? La vignette automobile, instituée en 1956, et supprimée il y a deux ans, n'aura été utilisée que jusqu'en 1973 pour financer un revenu minimum pour les personnes âgées, son but initial, avant d'être versée au budget de l'Etat.
Abenhaïm défend la DGS
La DGS (direction générale de la Santé) « n'a aucune responsabilité quelle qu'elle soit dans ce qui est arrivé », assure son ex-patron, Lucien Abenhaïm, dans un entretien avec la BBC-radio.
Le Pr Abenhaïm a démissionné le 18 août après que Jean-François Mattei a affirmé n'avoir pas eu « les informations et les signaux d'alerte nécessaires ». Le ministre « avait été alerté », dit-il. Quant aux responsabilités, « je ne sais pas s'il y a un quelconque système de santé dans le monde » qui aurait pu réagir, ajoute ce spécialiste de santé publique, en soulignant qu'en « trois nuits, dans la région parisienne, de 10 à 12 000 personnes malades ont été amenées en urgence dans les hôpitaux ».
MG-France réclame les textes pour la coordination médicale dans les établissements
Les textes indispensables à la coordination médicale dans les établissements prenant en charge les personnes âgées (EHPAD), en chantier depuis près de deux ans, n'ont toujours pas été publiés, s'impatiente MG-France. En attendant, la coordination des intervenants dans les établissements et la coordination ville-hôpital « n'existent que par l'engagement personnel de nombre de directeurs, de généralistes ou de gériatres hospitaliers, dans un cadre incertain sous un statut précaire », a souligné le syndicat dans un communiqué publié à la veille de la réunion à Matignon sur les personnes âgées.
MG-France estime à près de 5 000 les besoins en formations à la fonction de médecin coordinateur au sein des EHPAD.
Mission et commission au Parlement
Jean-François Mattei sera le 10 septembre la première personne à être auditionnée par la Mission d'information parlementaire sur la canicule créée par les députés. Elle permettra, sans attendre la rentrée parlementaire du 1er octobre, de réunir des éléments d'information utiles à ses membres lors des discussions des projets de loi relatifs à la santé publique et au financement de la Sécurité sociale qui seront examinés respectivement dès la première semaine et à la fin du mois d'octobre.
La création d'une commission d'enquête parlementaire sur le sujet, dont les pouvoirs sont plus étendus que ceux d'une mission, est attendue dans les prochains jours.
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