APRÈS DES MOIS de débats, l’obligation vaccinale devrait enfin être supprimée. Réunie à la suite de l’audition publique organisée les 13 et 14 novembre dernier par la Société française de santé publique (« le Quotidien » du 21 novembre), la commission présidée par le Pr Jean-Louis San Marco a remis son rapport au directeur général de la Santé.
Après l’analyse des avantages et des inconvénients de différents scénarios, les membres de la commission ont choisi de rejeter à une très forte majorité le statu quo et ont repoussé à l’unanimité la proposition d’une vaccination ciblée des populations les plus exposées.
Le scénario alternatif qu’ils proposent s’appuie sur la levée de l’obligation vaccinale par le BCG. Cependant, compte tenu de l’importance de l’épidémie en Guyane et de l’organisation du système de santé, le vaccin reste obligatoire dans ce département. Dans tous les cas, la commission insiste sur le renforcement du programme de lutte contre la tuberculose, un des objectifs prioritaires de la loi de santé publique du 9 août 2004, qui doit rester un préalable à la levée de l’obligation vaccinale. En dépit d’une baisse d’incidence dans les pays industrialisés, la «tuberculose demeure un risque sanitaire».
Les orientations du nouveau programme présenté par la DGS (Direction générale de la Santé) lors le l’audition publique – diagnostic précoce, traitement adapté de tous les cas de tuberculose maladie et d’infection tuberculeuse latente, amélioration du dépistage – sont jugées positivement, mais elles devront être accompagnées «de moyens humains et financiers à la hauteur des objectifs et des ambitions», souligne la commission, qui demande instamment «que les éventuelles économies dégagées par la levée de l’obligation vaccinale soient intégralement réaffectées à la politique de lutte contre la tuberculose».
Evaluation du niveau de risque.
Le BCG ne devrait plus être obligatoire. La suppression de cette contrainte légale s’inscrit dans le contexte d’une démocratie sanitaire moderne. Toutefois, pour éviter une recrudescence des cas du fait d’un arrêt généralisé, comme l’a montré l’expérience suédoise, la commission assortit la levée de l’obligation de plusieurs recommandations.
La vaccination par le BCG devra être systématiquement proposée pour tous les enfants au premier mois de vie. Elle sera effectuée après une évaluation du niveau de risque individuel réalisée dès le suivi de la grossesse, à la naissance et lors de la visite du premier mois du nourrisson.
Le niveau de risque détermine la stratégie à adopter. La vaccination est fortement recommandée dès le premier mois de vie s’il existe au moins un risque élevé : l’un des parents est originaire d’un pays à forte endémie ou a des antécédents familiaux de tuberculose ; conditions socio-économiques défavorables ou précaires évaluées sur la base de la couverture-maladie (CMU, CMUc, AME, absence), mauvais suivi de grossesse, conditions de logement (surpopulation, promiscuité…) ; département à forte incidence (10 cas pour 100 000 habitants) ; l’enfant doit séjourner plus de trois mois dans un pays à forte endémie ou se trouve dans une situation jugée à risque d’exposition par le médecin. La vaccination est recommandée devant au moins un possible risque de contact, à la maison, à l’école ou dans tout autre lieu de vie de l’enfant, avec un adulte originaire d’un pays de forte endémie tuberculeuse ou exposé (personnels soignants, policiers, expatriés, services sociaux, organismes caritatifs ou humanitaires, personnel pénitentiaire, détenus…). Les parents ont la possibilité de faire vacciner l’enfant même en cas de risque faible. La possibilité de ne pas vacciner est laissée ouverte, mais une réévaluation régulière du niveau d’exposition reste indispensable chez les non-vaccinés.
Des mesures indispensables au succès de cette nouvelle politique vaccinale sont également préconisées par la commission, telles que des campagnes d’information et de sensibilisation du public sur le risque tuberculeux et l’intérêt du BCG, la formation à la vaccination intradermique des professionnels de santé (médecins, sages-femmes de maternité, généralistes, pédiatres, médecins de PMI et de centres de vaccination). D’autres, comme la délégation de tâches à des infirmières ou des puéricultrices formées, devront être étudiées. De même, les outils (meilleur conditionnement du vaccin, par exemple) devront être mieux adaptés. La création d’un Haut-Conseil de lutte contre la tuberculose est souhaitée.
Le ministère de la Santé a saisi le Conseil supérieur d’hygiène publique de France, chargé de mettre en oeuvre les recommandations de la commission. Celles-ci seront intégrées dans la stratégie d’actions prioritaires contre la tuberculose qui doit être publiée dans le courant du mois.
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