Les méthodes diagnostiques usuelles de la tuberculose-maladie et de l'infection latente peuvent être mises en défaut. De nouvelles techniques semblent prometteuses...
LE DIAGNOSTIC d'une maladie infectieuse est classiquement fondé sur la mise en évidence de l'agent responsable. Celui-ci doit être recherché grâce à un examen microscopique du tissu suspect d'infection, par la mise en culture de l'agent étiologique et, éventuellement, par des réactions spécifiques induites par la multiplication de l'agent pathogène. La qualité des résultats des tests diagnostiques dépend notamment des possibilités de prélèvement et des conditions de recueil. Or, le germe responsable de la tuberculose, Mycobacterium tuberculosis, ne peut pas toujours être facilement mis en évidence. C'est en particulier vrai en cas de tuberculose extra-pulmonaire une situation actuellement fréquente, comme SK Sharma et A. Mohan l'ont montré (1). La maladie peut avoir une localisation ganglionnaire, abdominale, pleurale, génito-urinaire, osseuse ou encore atteindre le système nerveux central par exemple. Ces formes extra-pulmonaires peuvent coexister avec une atteinte pulmonaire. Elles représenteraient actuellement 15 à 20 % des cas de tuberculose survenant chez des sujets immunocompétents (et 50 % chez les patients immuno-incompétents).
Microscopie négative, tuberculose extra-pulmonaire, des cas difficiles.
Des examens à visée diagnostique cherchant à mettre en évidence Mycobacterium tuberculosis dans l'organe atteint sont envisageables. Toutefois, il s'agit de procédés invasifs, qui peuvent mettre en jeu le pronostic du patient et qui sont souvent longs et coûteux. C'est pourquoi S. Carrara et coll. (Rome, Italie) ont entrepris de chercher de nouveaux outils diagnostiques de la tuberculose-maladie. Ces auteurs ont mis au point un test de détection de réponses cellulaires à l'infection tuberculeuse par ELISpot (2). L'activation et l'expansion des lymphocytes T faisant suite à une infection par Mycobacterium tuberculosis fait sécréter de l'interféron, notamment gamma. Le test ELISpot proposé par S. Carrara et coll. détecte des réponses peptides-spécifiques de la région RD1 de l'ADN chromosomal du bacille tuberculeux. Ils ont évalué l'efficacité de leur outil diagnostic chez des patients ayant une tuberculose à microscopie négative, mais dont la culture a ultérieurement confirmé le diagnostic, ou une forme extra-pulmonaire de la maladie, elle aussi confirmée microbiologiquement. Leur étude a porté sur 65 sujets. Le diagnostic de tuberculose maladie avait été porté chez 22 d'entre eux, 7 sujets ayant une tuberculose à microscopie négative et les 15 autres une tuberculose extra-pulmonaire. Enfin, 43 patients étaient indemnes de tuberculose active, comme l'ont montré la mise en culture et le diagnostic par amplification nucléique fondé sur la Polymerase Chain Reaction (PCR).
Le test ELISpot spécifique de la région RD1 de l'ADN de M. tuberculosis a été positif chez 18 des 22 patients ayant une tuberculose active et chez 3 des 43 sujets témoins. Dans ces conditions, la sensibilité de ce test serait de 82 % et sa spécificité de 93 %, sa valeur prédictive positive de 85 % et sa valeur prédictive négative de 92 %. Par ailleurs, selon les auteurs, le résultat de cet examen est obtenu rapidement, en 24 à 48 heures, et il permet de suivre l'évolution du patient sous traitement en évaluant son succès.
Pour les auteurs, le diagnostic de la tuberculose par ELISpot est susceptible de se révéler très utile chez les patients dont la microscopie est négative et chez ceux qui sont suspects d'une atteinte extra-pulmonaire, habituellement diagnostiquée de manière invasive.
Réaction cutanée à la tuberculine ou T SPOT-TB ?
Dans le cadre d'une enquête autour d'un cas, la décision thérapeutique d'une tuberculose-infection est classiquement fondée sur l'analyse de l'intradermo-réaction à la tuberculine, qui consiste en l'injection de tuberculine par voie intradermique stricte. L'interprétation des résultats, lus à la 72ème heure, prennent en compte le diamètre de l'induration en millimètres mesuré avec une réglette souple, le seuil de positivité étant de 5 mm dans le sens transversal, « sans confondre rougeur et induration ». Deux visites médicales sont ainsi nécessaires, la première pour réaliser l'injection et la seconde pour en lire et en interpréter les résultats. Par ailleurs, la sensibilité et la spécificité de ce test sont faibles, les faux positifs étant en particulier nombreux. T. Lalvani et coll. (3) ont pu montrer en 2001 qu'il était possible de détecter la production d'interféron gamma par des lymphocytes exposés à des antigènes spécifiques de Mycobacterium tuberculosis en cas de tuberculose-infection latente. Le test, baptisé T SPOT-TB réalisé par la société britannique Oxford Immunotech, a été évalué chez 63 sujets contacts. La réaction cutanée à la tuberculine a été positive chez 55 % de ces sujets, la détection de l'interféron gamma l'ayant été chez 28 %. La concordance entre les deux examens a été de 61 %. Mais, de plus, les résultats du T SPOT-TB ont été positivement associés à l'intensité et à la durée de l'exposition des contacts avec les cas. Le test a été positif chez tous les patients ayant une tuberculose-infection patente, mais chez aucun de ceux qui n'avaient pas été exposés. Lors de sa communication au congrès, l'auteur a indiqué que l'étude, toujours en cours, portait sur 107 sujets et que, 9 fois sur 10, la discordance entre le test tuberculinique et le T SPOT-TB s'expliquait par les insuffisances du premier.
D'après les communication de S. Carrara et coll. Rome, Italie et de J. P. Janssens, et coll. Genève, Suisse.
1. Sharma SK, Mohan A. Extrapulmonary tuberculosis. Indian J Med Res. 2004 ; 120 (4) : 316-53.
2. Vincenti D, et coll. Identification of early secretory antigen target-6 epitopes for the immunodiagnosis of active tuberculosis. Mol Med. 2003 ; 9 (3-4) : 105-11.
3. Lalvani A, et coll. Enhanced contact tracing and spatial tracking of Mycobacterium tuberculosis infection by enumeration of antigen-specific T cells. Lancet. 2001 ; 357 (9273) : 2017-21.
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