LES ÉLUS AMÉRICAINS ont cru utile de faire la fine bouche : ils ont rejeté, au nom des principes du libéralisme, le plan de sauvetage de 700 milliards de dollars présenté par le président Bush. Du coup, les marchés financiers ont enregistré lundi une nouvelle très forte baisse dans le monde entier.
Un comportement de désespoir.
Dans le climat qui règne actuellement, beaucoup d'actionnaires ont abandonné toute logique et se conduisent d'une manière désespérée. Ils n'attendent même pas d'avoir des informations négatives sur une société ou une banque. Ils vendent leurs parts à perte, parce qu'ils sont convaincus que, plus tard, ils perdront davantage. D'où la spirale infernale qui a atteint l'Europe le week-end dernier. La société belgo-hollandaise Fortis est objectivement en difficulté (elle va être rachetée), mais, du coup, la société franco-belge Dexia, qui, pourtant, n'est pas exposée à des crédits insolvables, est ciblée à son tour par le public, lequel vend (très injustement) les parts de Dexia qu'il détient. Or une entreprise dont le cours s'effondre en Bourse ne peut plus emprunter, ne peut plus se recapitaliser et finit par disparaître.
LA FINANCE EST LE SEUL DOMAINE OU UNE LIBERTE D'EXPRESSION EXCESSIVE EST DANGEREUSE
Aujourd'hui, la théorie la plus en vogue est celle des dominos : l'épidémie venue du grand large infecte l'Europe et l'intrication des sociétés européennes favorise la contamination. Pourtant, l'exposition aux subprimes ou autres mauvais crédits américains est relativement faible ; elle a même été chiffrée banque par banque. La Banque centrale européenne qui, lundi encore, a injecté 120 milliards d'euros dans le circuit financier est parfaitement en mesure d'éliminer le danger.
La crise, malheureusement, se nourrit d'elle-même : les annonces d'injections de capital, avec des nombres de plus en plus élevés, ont de moins en moins d'effet. Les gens fuient la Bourse, se débarrassent de leurs avoirs en actions, quitte à en perdre la moitié ou plus ; et ne restent sur le marché que les puissantes institutions, qui peuvent attendre des jours meilleurs.
En France, le problème est compliqué par la politique. Loin d'avoir répondu à l'appel du Premier ministre, François Fillon, qui réclamait la semaine dernière l'union sacrée contre la crise, l'opposition tente de faire passer le gouvernement pour le responsable numéro un de la débâcle financière. C'est non seulement injuste, mais dangereux, dans la mesure où cela déprime encore plus l'opinion. La gauche n'a pas plus vu venir cette crise que la majorité.
En même temps, on ne peut pas dire que les banques françaises se soient comportées avec l'irresponsabilité de leurs soeurs américaines. Mais il est certain que, si la peur du public et la folie des spéculateurs l'exigent, la totalité de l'économie française sera mise à genoux. Chacun, gouvernement, experts, observateurs, essaie de calmer le jeu en donnant des explications aussi crédibles que possible : il n'existe aucune menace objective en France sur les comptes en banque, l'épargne ou les assurances privées. Mais on peut toujours se comporter comme si on était à bord du « Titanic ».
Il n'y a aucune raison d'adopter une telle conduite. Nous n'avons pas en France d'institutions comme Lehman Brothers ou Bear Stearns (mais nous avons des assureurs comme AIG) ; encore une fois, nous avons déjà subi et absorbé le choc des subprimes ou la majeure partie de ce choc ; aucune de nos banques n'a, à ce jour, présenté un déficit, même trimestriel ; Nicolas Sarkozy n'a pas été moins inactif que George Bush et il a garanti (ne fût-ce que verbalement) les dépôts bancaires ou autres, lesquels, jusqu'à nouvel ordre, sont assurés avec un plafond de 70 000 euros.
Il ne faudrait pas que la presse spécialisée, coupable de n'avoir rien vu venir, annonce l'apocalypse pour se dédouaner. La finance est peut-être le seul domaine où il faut parler et disserter le moins possible ; c'est le seul domaine où quelques mots choisis suffisent à détruire une entreprise ; c'est le seul domaine où une excessive liberté d'expression peut avoir des conséquences extrêmement négatives pour des millions d'innocents.
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