RÉFLÉCHIE par les eaux dansantes des canaux, la lumière, douce comme une poudre fine de perles rose pâle et de bleu du ciel mêlé, virevolte sur le vieux bois, la brique et la pierre des murs des palais et des maisons adoucissant leur texture inégale. Perçant la gaze de brume matinale, le premier soleil nimbe la place Saint-Marc d'un halo doré sorti d'une toile de Turner.
À Venise, les pigeons marchent et les lions volent, disait Cocteau. De fait, les pigeons, innombrables, ont déjà envahis la place, encore vierge de touristes, et se goinfrent de maïs répandus en nappes jaune orange sur le gris des pavés.
Quant aux lions ailés, symboles de la Sérénissime, ils restent immuables, figés dans la pierre, le bronze ou le marbre. L'un d'eux domine la place, perché sur l'une des deux hautes colonnes qui font face aux mosaïques colorées de la superbe basilique byzantino-gothique et au Palazzo Ducale.
Jadis, les lions ailés pullulaient dans la Sérénissime. Au XVIIIe siècle, lors de la chute de la République aristocratique de Venise, la municipalité provisoire, dans une furie iconoclaste, en détruisit un grand nombre. Aux temps des doges, à l'initiative du Conseil des dix, certains de ces lions servaient de boîte à lettres spéciales pour les dénonciateurs qui, nuitamment, fourraient furtivement leurs missives délatrices dans les gueules de pierre béantes.
Les façades ocre rose des palais du Grand Canal. Le grand pont arqué du Rialto et celui des Soupirs. Le Lido et les gondoliers sillonnant les dédales des canaux enjambés de petits ponts bossus...
Comme à la Renaissance.
Le temps ne semble guère avoir de prises sur la Sérénissime, dont les palais résistent toujours vaille que vaille aux eaux de sa lagune, lorsque l'« acqua alta » inonde ses ruelles dès les premiers signes de l'hiver.
Aux abords du Campo San Angelo, du Rialto ou du Ponte Vecchio, les marchés demeurent ce qu'ils furent au temps de la Renaissance, avec leurs amoncellements colorés de légumes et de fruits en provenance des jardins de Vénétie et de brillants poissons de la lagune.
Loin du décor pour carte postale – Rialto, San Marco ou Lido –, la ville livre volontiers ses charmes les plus cachés à qui veut bien l'explorer hors des canaux battus, pour découvrir la vraie « Venise des Vénitiens ».
Au hasard d'une flânerie, les rues étroites bordées d'échoppes basses et de belles pierres révèlent les trésors de multiples palais et églises regorgeant d'émouvantes peintures et de statues.
Il suffit de pousser la porte des « scuole » (siège des confréries religieuses) ou d'une église pour admirer des chefs-d'oeuvre comme « l'Assomption » du Titien, à la Santa Maria Gloriosa deu Frari, ou « Saint Georges terrassant le dragon », du Carpaccio, à la scuola du San Giorgio degli Schiavoni.
Dans le quartier Dorsoduro, le très riche musée de l'Accademia offre un panorama complet de la peinture vénitienne du XIIe au XVIIIe siècle, depuis les « primitifs » des frères Veneziano à Bellini, jusqu'aux « Vedustisti », Longhi, Canaletto et Guardi en passant par les grands maîtres, Veronese, le Tintoret, le Titien et le Carpaccio. Tandis que sur le Grand Canal, le Palazzo Grassi, construit par Massari au XVIIIe siècle, racheté par François Pinault, se voue désormais à l'art contemporain.
Non loin de là, on découvre l'un des derniers « squero », atelier de construction de gondoles. En poussant jusqu'à la pointe de la Douane, on jouit du superbe panorama de la place Saint-Marc et du palais des Doges aux couleurs beige et ocre. Sur les quais des « zattere », du nom des radeaux qui déchargeaient jadis les cargaisons des bateaux marchands, les Vénitiens aiment flâner ou lézarder au soleil en sirotant un espresso ou un cappuccino aux terrasses des cafés installés sur la longue promenade dallée de marbre d'Estri.
Des navettes de vaporetto conduisent à l'Arsenal, gardés par des lions de pierre et vers San Michel, l'île cimetière où les Vénitiens se font enterrer. Ou encore vers l'île de Murano et son musée de la verrerie, où l'on peut trouver de jolies copies classiques, nettement plus belles que les horreurs qui encombrent les échoppes de souvenirs.
Quai des Esclavons (degli Schiavoni), à côté du palazzo Ducale et du célèbre pont des Soupirs, trône derrière sa façade rouge le mythique hôtel Danieli. L'ancien palais du doge Dandollo, transformé en luxueux et très coûteux palace, a des allures de musée. Son grand hall chargé de dorures et de pierreries vaut à lui seul le coup d'oeil. Danieli, Gritti, Londra Palace, Bauer-Grünwald, les prestigieux hôtels se succèdent sur les quais de San Marco ou du Grand Canal ou sur les îles de la lagune, comme le prestigieux Cipriani, caché dans la verdure des jardins de la Giudecca.
Saveurs variées.
Contrairement aux idées reçues, on se sustente fort bien à Venise et souvent pas plus cher qu'ailleurs. Près de San Giovanno e Bragora, l'incontournable Al Covo mérite toujours sa réputation de rendez-vous gourmand tout comme le tout aussi incontournable Harry's Bar, célèbre pour son carpaccio (de boeuf naturellement et non de saumon ou d'autre chose, car son nom vient, sachons-le, de sa couleur rouge, brunie sous l'action du citron qui évoque celle des toiles du Carpaccio) et son délicieux risotto au saumon dont se régalait Hemingway.
À quelques pas de la place Saint-Marc, on ne manquera pas de pousser les portes de l'Al Ristorante Canaletto pour déguster une remarquable et créative cuisine traditionnelle arrosée des meilleurs crus de Vénétie et de Toscane. À la tombée du soir, une halte s'impose sous les arcades de la grande place débarrassée de sa foule de touristes mais pas de tous ses pigeons. Sur la terrasse du Quadri ou du Florian, célèbres cafés où planent les ombres de Casanova, de Goethe, de Sand, de Madame de Staël et de Proust. Dans la douce quiétude vénitienne, on prend son temps pour céder aux plaisirs délicats d'un espresso fort et noir comme de l'encre ou d'un vin blanc de Soave, frais et fruité. En faisant durer le plaisir sans souci du sommeil. Car on ne dort pas à Venise, on rêve...
Pour partir
TRANSPORTS
Vols quotidiens (5) Paris/Venise sur Air France/Alitalia à partir de 105 euros A/R. Air France, tél. 36.54 et www.airfrance.com.
HÔTELS
– Hôtel Bridge 3* Campo San Filippo e Giacomo 4498, 3022 Venise, tél. 041.520.2297 et info@hotelbridge.com.
Hôtel de charme (XVe siècle) à 200 m de la place Saint-Marc. Chambre à partir de 89 euros la nuit.
– Hôtel Cipriani 5* Palace Orient-Express Hôtel, sur l'île de Giudecca, face à la place Saint-Marc. Chambre à partir de 870 euros la chambre par couple et par nuit.
SÉJOURS
Donatello propose des formules avion + hôtel à partir de 531 euros TTC par personne, incluant les vols A/R, 2 nuits en chambre double et petits déjeuners à l'hôtel Bridge 3* et l'entrée à l'expo « Rome et les Barbares » ; ou à partir de 1 717 euros TTC par personne, 2 nuits à l'hôtel Cipriani 5* en chambre double et petits déjeuners incluant les vols A/R. Autre formule d'une semaine dans un studio du Palazzo Sciavoni, au coeur de Venise, à partir de 1 085 euros TTC par personne les 7 nuits avec petits déjeuners, vols A/R inclus.
RESTAURANTS
Deux excellents restaurants typiques à prix très raisonnables à deux pas de la place Saint-Marc :
– Al Ristorante Canaletto, Enoteca la Caneva, Castello 5490, tél. 041.5212.661 et www.cantinacanaletto.it ;
– Osteria Enoteca San Marco, 1610, tél. 041.5285.242.
Plus chers mais grande cuisine, l'Al Covo, calle Crosera, Castello 3968, tél. 041.52.23.812, et l'incontournable Harry's Bar, calle Valleresso, 1223 San Marco, tél. 041.5285.777.
A VOIR
– L'exposition « Rome et les Barbares » au palais Grassi.
– La fête du Rédempteur et son spectacle pyrotechnique grandiose (19 et 20 juillet).
– L'expo « l'Art américain de 1950 à 1950 » au musée Guggenheim (du 28 juin au 12 octobre).
– La Regatta Storica sur le Grand Canal, course de bateaux et somptueuses reconstitutions des grandes cérémonies du temps des doges en costumes d'époque (début septembre) et, bien sûr, le prochain carnaval qui se déroulera du 14 janvier au 24 février 2009.
LIRE
– « Venise », Carnets de route Marcus.
– Guide Gallimard « Venise ».
RENSEIGNEMENTS
– Office italien du tourisme, 23, rue de la Paix, 75002 Paris, tél. 01.42.66.66.68 et www.enit-france.com.
– Donatello, tél. 0826.10.2005 et www.donatello.fr.
– Orient-Express Hôtel, Train & Cruises, tél. 01.55.62.18.00 et www.orient-express.fr.
– Brochures dans les agences.
Une oasis au coeur de la ville
Parmi les prestigieux palaces de la Sérénissime, le Cipriani 5* Luxe tient une place à part. Hôtel de charme, l'un des plus exclusifs du monde, il a en effet le privilège rare de pouvoir offrir tout à la fois Venise et l'extraordinaire tranquillité de l'île de la Giudecca, située en face de la place Saint-Marc.
Palace-oasis niché au coeur de somptueux jardins, il est le seul hôtel de la cité des Doges à posséder une piscine quasiment olympique (chauffée) et des courts de tennis. Décorées avec raffinement, ses 104 chambres et suites bénéficient toutes d'une vue magnifique sur la lagune au sud, l'église et le monastère San Giorgio Maggiore à l'est et les vignes et jardins de Casanova à l'ouest. Le luxueux centre de beauté propose des soins très sophistiqués dans un superbe sauna.
Ouvert sur la lagune, le restaurant Cipriani est l'un des plus cotés de la ville pour son excellente cuisine, directement inspirée de la gastronomie italienne et régionale. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, un bateau privé de l'hôtel fait la navette entre l'hôtel et la place Saint-Marc.
Entre autres forfaits, l'hôtel propose un séjour « Venise Art & Culture » pour 3 995 euros par couple et par séjour, comprenant 3 nuits en chambre vue lagune, les petits déjeuners buffet, une bouteille de Spumante, un déjeuner au bord de la piscine, deux dîners au restaurant Cipriani, une visite guidée de 3 heures à travers Venise et deux billets d'entrée pour une exposition (Civic Museum, Guggenheim ou Palazzo Grassi) ou pour un concert au palais Barbarigo-Minotto.
Hôtel Cipriani Orient-Express Hôtels, Trains & Cruises, tél. 01.55.62.18.00 et www.orient-express.fr
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