A Paris, à l’Institut du monde arabe

Venise et l’Orient : des liens fastueux

Publié le 12/10/2006
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LA CITÉ DES DOGES développe son commerce vers le Moyen-Orient dès le XIe siècle. Elle ne tarde pas à obtenir des privilèges commerciaux dans la région. Elle fonde des comptoirs en Phénicie (à Sidon et à Tyr), noue des liens solides avec Le Caire, Damas et Byzance, consolide ses attaches avec les dynasties musulmanes, les Mamelouks et les Ottomans, etc.

L’exposition de l’IMA se propose d’explorer ces relations, depuis l’épisode du vol de la dépouille et des reliques de saint Marc par des marchands vénitiens près d’Alexandrie en 828, jusqu’à la dissolution de la République de Venise (à la fin du XVIIe siècle). La période féconde qui s’étend du XIVe au XVIIe siècle, et qui marque l’apogée de la Sérénissime, est particulièrement mise en valeur, comme il se doit. Ces liens commerciaux fructueux sont illustrés par quelque 200 objets majestueux : des peintures, des verreries, des textiles, des céramiques, des pièces d’orfèvrerie, des reliures…

Dès la fin du XIIIe, la «reine de l’Adriatique», comme on l’appelait en raison de l’expansion et de la prospérité de son commerce maritime, subit des influences orientales. Les somptueux palais prolifèrent dans la cité marchande. Ils sont couverts de tapis perses, de brocarts et de luxueuses étoffes, à la manière des fastueux édifices orientaux que les Vénitiens ont découverts (tels les peintres Gentile Bellini et Bartoloméo Bellano qui se rendent à Istanbul à la fin du XVe siècle) et décrits dans des récits animés et hauts en couleurs. Le Proche-Orient et ses civilisations éclairées fascinent Venise.

Influences à double sens.

L’art mamelouk influence les oeuvres vénitiennes dans les domaines du textile et de l’art du métal. L’artisanat du verre se développe à Murano, et s’inspire du savoir-faire islamique ; l’imprimerie connaît ses lettres de noblesse aux XIVe et XVe siècles (des manuscrits arabes sont traduits et imprimés à Venise, comme le « Canon », du philosophe et médecin persan Avicenne, un livre de préceptes médicaux). Quant à la peinture vénitienne, elle exploite des motifs islamiques (voir les nombreuses représentations de Mamelouks et d’Ottomans qui ornent les toiles de la Renaissance, ou bien les oeuvres de Jacopo Bellini, le pionnier de l’orientalisme vénitien, ou encore l’« Adoration des mages » de Giovanni Mansueti au début du XVIe siècle). Les Vénitiens aisés achètent des objets d’Asie Mineure pour décorer leurs palais. En temps de paix, de nombreux cadeaux et trésors orientaux s’amoncellent dans la basilique Saint-Marc. A leur tour, les Ottomans importent l’art de la Sérénissime dans leur pays (l’exposition révèle par exemple des peintures, comme « le Sultan Mehmed II » de Gentile Bellini, en 1480, qui illustrent l’apport de la société vénitienne à la tradition ottomane du portrait). Ces influences ne sont pas à sens unique. Les échanges artistiques se font dans les deux sens, à tel point qu’on a encore aujourd’hui du mal à définir si un objet provient des terres du Levant ou de la cité lacustre. L’exposition est d’un riche intérêt historique et artistique.

Institut du monde arabe. 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris-5e. Du mardi au dimanche, de 10 h à 18 h. Entrée : 10 euros (TR : 8 euros). Tél. : 01.40.51.38.38. Jusqu’au 18 février 2007. Catalogue, éd. Gallimard, Institut du monde arabe, The Metropolitan Museum of Art, 320 p., 65 euros. « Venise et l’Orient », par Aurélie Clemente-Ruiz, Hors-série Coll. Découvertes Gallimard, 7,90 euros.
A voir aussi : « Venise, l’art de la Serenissima », dessins vénitiens des XVIIe et XVIIIe siècles. Pavillon du musée Fabre de Montpellier. Du 14 octobre au 14 janvier 2007.

> DAPHNÉ TESSON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8029