Après avoir été six ans président de MG France, Pierre Costes n’a pas tout de suite repris son exercice de médecin généraliste Avant cela, lui et son épouse ont fait une petite balade à vélo de … 8 000 kilomètres ! De Montoison, dans la Drôme, à Madagascar, vingt et un pays traversés en six mois, du 28 mai au 3 décembre 2007. Une façon de réaliser un rêve de jeunesse et de faire un break dans une vie trépidante, tant qu’ils tenaient la forme. C’est une balade de trois semaines entre Séville et Compostelle l’année de la canicule qui les a convaincus qu’ils pouvaient le faire ! « Après trois semaines, on s’est aperçu qu’on en n’avait pas marre et qu’on aurait bien continuer à pédaler. En 2006, quand j’ai prévu de quitter la présidence de MG France après les élections professionnelles, j’avais dans la tête de faire un break, raconte Pierre Costes, et de faire à ce moment-là un long voyage sans contrainte de temps, avant de reprendre le plein exercice. Les enfants étaient autonomes, nos parents âgés en bonne forme, et nous aussi ! » Bilbiothécaire universitaire, Marie-Hélène, sa femme, a pris un congé sans solde, et ils sont partis.
Comment ont-ils choisi leur itinéraire ? « On avait envie de faire un voyage sur six ou sept mois, varié, pas trop difficile physiquement, donc sans montagne, explique Marie-Hélène. Moi, j’étais attirée par les terres rouges de Madagascar, Pierre, par la Turquie, et nous voulions inclure un peu d’Afrique dans notre périple. Cela faisait trois thèmes et des paysages différents. Nous voulions aussi partir de chez nous vraiment, fermer la porte à clé et partir de la maison. On s’est donc dit que nous allions suivre les fleuves. » Quoi de plus plat que les bords d’un fleuve pour rouler ! Rhône, Saône, Doubs, Rhin, Danube… Pour l’Europe, ça marchait, mais avec la Turquie et le Moyen-Orient, nos voyageurs ont du abandonner les fleuves pour des chemins parfois plus difficiles. La chaleur, elle, ne les a pas lâchés ! « Nous avons eu chaud tout le long du voyage, puisque nous avons suivi le soleil, commente Pierre Costes. Les chaleurs ont été pénibles, surtout dans certaines régions où l’hygrométrie est très forte, comme en Tanzanie ou à Madagascar. » Dans le désert du Néguev, au contraire, la chaleur est brûlante : 42° à l’ombre, 55° au soleil… « Passé midi, nous devions trouver à l’ombre d’un muret, d’un acacia ou de quelques rochers, et rester là jusqu’au couchant, vers 18h, 18h 30. C’est magnifique mais très inhospitalier. Du Sud de Jerusalem au golfe de la Mer rouge, nous avons mis quatre jours, parmi les plus durs de notre voyage. » Dans le Sud de la Turquie aussi, Marie-Hélène et Pierre en ont bavé, notamment parce qu’il se sont perdus : « Un jour, nous avons mis une douzaine d’heures à faire onze kilomètres à vol d’oiseau… »
Mais ce ne sont pas les mauvais moments que le couple souligne. Ils parlent surtout de rencontres, de toutes ces rencontres qu’ils ont faites, dans tous les pays traversés. « Les gens étaient intrigués, mais très accueillants. Dans les moments de grande fatigue, être accueilli sur des tapis, au frais dans des maisons, c’est le bonheur ! » se souvient Marie-Hélène. « En bicyclette, on est au contact des gens, on a besoin d’eux, explique Pierre Costes. Nous campions, certes, mais dans certains endroits, nous ne le pouvions pas parce que le milieu était hostile. En Afrique, dans certains endroits, des yeux brillent la nuit ! Nous avons été hébergés dans des enclos massaïs, protégés des bêtes sauvages par des ronces… Le fil conducteur de notre voyage, ce sont les rencontres. »
Parfois, en arrivant dans un nouveau pays, Pierre et Marie-Hélène se disent : « Tiens, mais au fait, quelle langue parle-t-on ici ? » Mais la barrière de la langue n’a jamais été un problème. « Un jour, en Turquie, se souvient Pierre, j’ai retrouvé Marie-Hélène en grande « conversation » avec une femme. Chacune parlait dans sa langue, des photos d’enfants étaient sorties, elles riaient et avaient l’air de parfaitement se comprendre ! » Miracle de la rencontre … D’ailleurs, aujourd’hui, sauf dans des endroits où la population n’a pas accès à Internet, Marie-Hélène et Pierre Costes continuent d’avoir des nouvelles de ces amis de rencontre. De l’avantage du progrès technologique. Six mois durant, le téléphone mobile et Internet leur a permis de rester en contact avec leur famille et de donner de leurs nouvelles. De même, trouver l’argent nécessaire à la vie courante n’est plus un problème : « Vous savez, dit Pierre Costes, à l’heure actuelle, vous pouvez retirer de l’argent à peu près partout dans le monde avec une carte bleue ! »
Mais enfin, 8000 kilomètres en vélo, ça ne s’improvise pas, il faut être entraîné ! Ont-ils suivi un entraînement ? « Seulement un entraînement mental, souligne Pierre. On s’est préparé mentalement. Mais physiquement, on n’en a pas besoin ! Nous étions parfaitement autonomes : quand on était fatigué, on s’arrêtait ! » Ils ont fait entre 50 et 100 kilomètres par jour, suivant la difficulté du chemin. Mais en arrivant en Turquie, ils sont fatigués, et s’aperçoivent qu’ils n’ont jamais dormi deux nuits de suite au même endroit. « On s’est dit « mais qu’est-ce qui nous presse ? Rien ne nous oblige vraiment à ce rythme ! Nous nous sommes arrêtés deux jours au même endroit, et nous avons dormi 18 heures d’affilé ! »
Non, Marie-Hélène et Pierre Costes n’ont suivi aucun entraînement spécifique. « Dans notre livre, nous voulons d’ailleurs témoigner qu’on peut voyager, partir, même à 55, 60 ans, même sans entraînement, sans moteur physique, sans objectif sportif, sans sponsor, simplement pour vivre un moment de sa vie un peu différemment de d’habitude. Je crois que c’est accessible à tout le monde, il suffit de partir. Qu’est-ce qu’on risque ? Nous ne sommes pas des réfugiés, on part parce qu’on en a envie. Le monde n’est pas si dangereux que ça ! Et puis, si vous vous arrêtez, vous revenez ! » Pour autant, ils avouent qu’ils ne seraient sûrement pas rentrés ; ils avaient envie d’aller jusqu’au bout de leur voyage, et puis quand l’un se décourage, l’autre le soutient. « A deux, on redouble de force », dit Marie-Hélène.
Le bout de leur voyage, c’était Madagascar, que Marie-Hélène rêvait de connaître. Et où Pierre avait des contacts grâce à l’association Santé Sud créée par MG France, pour développer des coopérations avec des généralistes malgaches et maliens. Si la rencontre avec des confrères n’était pas l’objectif premier de leur voyage, pour autant, « rencontrer sur place des généralistes malgaches en exercice, qui font de la médecine de campagne, cela mettait un beau terme au voyage, confie Pierre. Et qui s’est révélé pour moi un élément de remotivation professionnelle très fort. » Entre le moment où il a pris ses distances avec la vie syndicale et la reprise de la vie professionnelle, il s’est posé bien des questions : que voulait-il faire vraiment ? Souhaitait-il reprendre son activité à temps plein ? « A aucun moment je ne me suis posé ces questions en cours de route, mais au bout du voyage, quasiment le dernier jour, j’ai redécouvert ce métier fantastique qu’est celui de généraliste, cette proximité sur laquelle les gens comptent pour être soignés, pour vivre. A Madagascar, c’est poussé à l’extrême, mais on retrouve les mêmes fondamentaux du métier. Quand on est sur la terre battue d’une case malgache, quand le médecin va accoucher une femme à la lueur d’une lampe de poche, ou quand on traite une hypertension ou un diabète, les fondamentaux sont les mêmes que dans la relation médecin/patient dans un cabinet de généraliste en France, en ville ou à la campagne. Et ça, ça a été une vraie découverte pour moi, et une vraie remotivation. »
Mais ce qu’ils disent être leur grande découverte à tous les deux au cours de ce voyage, c’est « cette notion du temps non compté. On ne se posait pas la question du nombre de kilomètres à faire par jour : nous avions le temps… »
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