De notre corespondante à New York
L A principale caractéristique physiopathologique de la cirrhose hépatique est l'augmentation de la pression portale. Elle est due à une résistance à l'écoulement dans la circulation portale attribuée à la fibrose importante dans le foie. Toutefois, la cirrhose avancée est aussi associée à une vasodilatation des artérioles mésentériques, qui contribue à l'hypertension portale et aux hémorragies par ruptures des varices gastro-œsophagiennes.
Il survient aussi une vasodilatation dans la circulation générale, qui entraîne une relative hypotension, une rétention de sodium et d'eau et, au stade ultime, une ascite. Puisque le taux de survie baisse après l'apparition de l'ascite et puisque les hémorragies par ruptures de varices peuvent être fatales, cette vasodilatation contribue pour une bonne part à la mortalité. Malheureusement, le système vasculaire cirrhotique est extrêmement résistant aux vasopresseurs conventionnels.
Des travaux, dirigés par le Dr George Kunos (National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism, NIH, Bethesda), suggèrent une nouvelle approche pour traiter ce phénomène vasculaire. Les chercheurs ont suivi le raisonnement suivant : chez les patients cirrhotiques, l'endotoxine bactérienne LPS est libérée par la flore intestinale normale dans la circulation générale. Cette endotoxine pourrait contribuer à la vasodilatation de la cirrhose.
Un antagoniste des récepteurs cannabinoïdes
Les chercheurs ont montré que chez le rat, l'hypotension induite par l'administration d'endotoxine LPS est prévenue par l'administration préalable d'un antagoniste des récepteurs cannabinoïdes CB1. De plus, lorsque les monocytes et les plaquettes des rats exposés à la LPS sont injectés à des rats normaux, il survient une hypotension médiée par les récepteurs CB1, or ces monocytes et plaquettes contiennent des cannabinoïdes endogènes (anadamide et 2-arachidonoyl glycérol). Tout cela suggère que les cannabinoïdes endogènes et leurs récepteurs pourraient contribuer à la vasodilatation et à l'hypotension de la cirrhose hépatique avancée.
Pour examiner cette hypothèse, les chercheurs ont utilisé deux modèles animaux de cirrhose hépatique, des cellules sanguines circulantes, ainsi que des cellules endothéliales vasculaires de patients cirrhotiques. Ils montrent que chez les rats avec une cirrhose biliaire, il survient une hypotension qui se normalise après l'administration d'un antagoniste du récepteur CB1 (SR141716A). Chez les rats avec une cirrhose induite, l'hypotension est aussi contrôlée par le même antagoniste, qui de surcroît réduit le flux sanguin mésentérique élevé et la pression portale. Les monocytes provenant de patients ou de rats cirrhotiques, mais non de sujets ou de rats témoins, provoquent chez les rats normaux une hypotension, sensible à l'antagoniste du récepteur CB1, et ces monocytes contiennent des taux élevés d'anandamide. Enfin, les foies cirrhotiques humains, comparés à des foies témoins, contiennent trois fois plus de récepteurs CB1 sur leurs cellules endothéliales vasculaires isolées.
« Ces résultats impliquent l'anandamide et les récepteurs CB1 vasculaires dans la vasodilatation de la cirrhose avancée », concluent les chercheurs. « Des antagonistes de ces récepteurs pourraient offrir une approche thérapeutique chez les patients atteints de cirrhose hépatique avancée et en attente de transplantation hépatique. »
« Nature Medicine », juillet 2001, p. 827
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