L'existence de deux variants de la protéine p53 est connue depuis environ vingt ans. Les deux variants polymorphiques se différencient par la nature de l'acide aminé 72 qui est, selon les individus, soit une proline, soit une arginine.
Le variant proline est particulièrement fréquent dans la population afro-américaine et dans d'autres groupes ethniques caractérisés par une carnation foncée. Une différence fonctionnelle entre les deux variants avait déjà était suspectée mais elle n'avait jamais été clairement mise en évidence.
C'est maintenant chose faite grâce à Maureen Murphy et ses collaborateurs. Ces chercheurs américains (Fox Chase Cancer Center, Philadelphie) viennent de démontrer que l'apoptose (le « suicide cellulaire ») est induite cinq fois plus efficacement par le variant contenant l'arginine que par celui qui contient la proline. Ce travail pourrait conduire à la mise au point de nouveaux traitements qui permettront d'augmenter le pouvoir apoptotique de la p53 dans les cellules cancéreuses. Par ailleurs, une prise en charge thérapeutique adaptée pourrait être proposées aux malades en fonction du variant p53 dont ils sont porteurs.
Enfin, le travail de Murphy et coll. confirme que la protéine p53 n'exerce pas son rôle de suppresseur de tumeur uniquement dans le noyau cellulaire. Son export vers le compartiment mitochondrial aurait également une très grande importance dans la mise en place du processus d'apoptose.
C'est en étudiant des lignées de mélanomes en culture que Murphy et coll. ont observé que le variant arginine de la protéine p53 induisait l'apoptose au moins cinq fois plus efficacement que le variant proline. A la suite de cette découverte, ils ont étudié la localisation cellulaire des deux formes du suppresseur de tumeurs. Cela les a conduits à montrer que le variant arginine était retrouvé en quantité bien plus importante dans les mitochondries que le variant proline. Cette différence de localisation est due à une meilleurs interaction du variant arginine avec une protéine permettant l'export de p53 en dehors du noyau cellulaire.
Les résultats de Murphy et coll. suggèrent donc que la capacité de p53 à induire l'apoptose de manière efficace dépend de la localisation mitochondriale du suppresseur de tumeur. C'est pourquoi ces auteurs proposent de rechercher des médicaments qui amélioreraient l'activité pro-apoptotique de p53, en favorisant la localisation mitochondriale de cette protéine.
Par ailleurs, Murphy et coll. suggèrent que les traitements antitumoraux devraient être adaptés au polymorphisme p53 des malades. En effet, les traitements proposés aux malades portant le variant arginine pourraient être moins lourds que ceux proposés aux porteurs du variant proline. Cette hypothèse reste cependant encore à vérifier.
Le gardien du génome
La protéine p53 est considérée comme le « gardien du génome » car elle empêche les cellules dont le matériel génétique est altéré de se diviser. En effet, lorsque l'ADN subit un dommage, la protéine p53 va provoquer un arrêt du cycle cellulaire afin d'en permettre la réparation. De manière alternative, p53 peut diriger la cellules vers la voie de l'apoptose si les lésions à l'ADN sont trop importantes pour être réparées. La p53 exercerait principalement ses fonctions en régulant la transcription de gènes impliqués dans le contrôle du cycle cellulaire, la réparation de l'ADN et la mise en place de l'apoptose. Mais p53 ne serait pas uniquement un facteur de transcription : certaines données ont suggéré que cette protéine exercerait son activité pro-apoptotique par des mécanismes indépendant du contrôle de la transcription d'autres gènes. L'étude de Murphy et coll. renforce cette idée, puisqu'elle a permis la mise en évidence d'un rôle visiblement très important de p53 en dehors du noyau cellulaire, dans les mitochondries.
P. Dumont et coll., « Nature Genetics », à paraître en mars 2003.
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