CLINT EASTWOOD aura 78 ans le 31 mai. Heureusement, il se considère comme « un gamin » à côté de Manoel de Oliveira, dont le festival a fêté les 100 ans, et il adore raconter des histoires. Il n'a donc pas l'intention d'arrêter ses activités de réalisateur, cela ne fait jamais que 37 ans qu'il les poursuit, avec succès, depuis « Un frisson dans la nuit », en 1971.
Déjà venu à Cannes plusieurs fois, notamment avec « Bird » et « Mystic River », et comme président du jury, il présente en compétition «l'Échange», qui ne devrait pas sortir avant février 2009, stratégie pré-oscars oblige.
C'est le journaliste devenu scénariste J. Michael Straczynski qui a déniché dans les archives de la mairie de Los Angeles cette extraordinaire et épouvantable histoire vraie, celle de Christine Collins. Elle affronte non seulement la disparition de son enfant mais les autorités qui refusent de l'entendre, encore plus quand on trouve un jeune garçon qui prétend être son fils. Nous sommes à Los Angeles en 1928, au temps de la Prohibition, et la corruption gangrène la police et le système judiciaire, ce qui rend encore plus difficile le combat d'une femme seule.
La réalité a offert à Clint Eastwood un extraordinaire scénario avec des personnages forts et de nombreux rebondissements. Mais c'est lui, également auteur de la musique, qui en fait un film accompli de deux heures vingt, un drame dont le dernier mot est cependant espoir. Un film qui est à la fois le portrait d'une femme, une étude sur la ténacité humaine, un thriller policier et judiciaire et encore une évocation de la psychiatrie répressive ou une dénonciation de la barbarie des exécutions (séquences impressionnantes d'électrochoc et de pendaison).
Le rôle de Christine Collins ne pouvait que plaire à Angelina Jolie, en tant que mère (elle a aussi pensé à la sienne, qu'elle venait de perdre) et en tant que femme d'aujourd'hui, libre de s'exprimer. Et tourner avec Eastwood a été, dit-elle, la meilleure expérience qu'elle a jamais euE. Elle a effectivement la possibilité de montrer l'étendue de son talent. Et, avec un tel sujet, on n'osera reprocher ni à l'actrice ni au cinéaste, une mise en scène parfois un peu voyante de l'émotion.
Changer de vie.
Autres habitués du festival, Jean-Pierre et Luc Dardenne. Avec «le Silence de Lorna», ils sont présents pour la quatrième fois en compétition, après avoir remporté deux palmes d'or (« Rosetta » et « l'Enfant ») et deux prix d'interprétation, avec Émilie Dequenne (« Rosetta ») et Olivier Gourmet (« le Fils »). Les deux frères belges sont de grands découvreurs-accoucheurs d'acteurs, et ils le prouvent une nouvelle fois avec une jeune comédienne venue de Pristina (Kosov), Arta Dobroshi.
Visage fermé, allure décidée, elle incarne donc Lorna, une jeune femme albanaise qui est au centre d'un trafic : devenue citoyenne de Belgique grâce à un faux mariage avec un toxicomane payé pour cela (Jérémie Rénier, toujours très convaincant), elle doit épouser ensuite un mafieux russe prêt à payer très cher pour obtenir la nationalité belge.
Les Dardenne ne sont pas des militants à la Ken Loach et ne font pas étalage de leurs convictions politiques mais leurs films touchent les plaies de nos sociétés là où ça fait mal. En l'occurrence la situation de tous ceux qui viennent en Europe de l'Ouest parce qu'ils veulent changer de vie et n'y sont pas les bienvenus. Elle est en arrière-plan de l'aventure de Lorna, celle qui intéresse avant tout les cinéastes, qui ne se reconnaissent qu'un sujet, l'humain.
Simplement filmée, sans pathos – ni le misérabilisme qui alourdissait parfois le propos des films précédents –l'histoire de Lorna est émouvante et belle, comme l'actrice qui la personnifie.
Un homme et deux femmes
Après « The Yards » et « la Nuit nous appartien », James Gray a écrit pour Joaquin Phoenix le rôle d'un jeune homme instable (ses parents parlent de trouble bipolaire) qui tombe amoureux de sa blonde voisine tandis que sa famille le pousse vers la brune fille d'un associé de son père. Avec «Two Lovers», on est loin de la noirceur des deux films précédents, ce qui peut décevoir, mais loin aussi de la comédie sentimentale, même si le thème s'y prête et s'il y a des motifs pour sourire.
James Gray s'est notamment inspiré d'une nouvelle de Dostoïevski, « les Nuits blanches ». Il parvient ainsi à donner à ce motif au cinéma et dans la littérature, un homme entre deux femmes, l'une d'entre elles maîtresse d'un homme marié, une touche originale de mélancolie.
De même, si les personnages des deux jeunes femmes, incarnées par les charmantes Gwyneth Paltrow et Vinessa Shaw (vue notament dans « Eyes Wide Shut » et « Melinda et Melinda », de Woody Allen), sont stéréotypés, comme la description de familles juives de Brighton Beach, le personnage principal bénéficie grâce à Joaquin Phoenix d'une ambiguïté bienvenue.
On découvrira « Two Lovers » le 26 novembre seulement, les distributeurs ayant dû juger son côté romantique adapté à la période précédant les fêtes.
DR
Arta Dobroshi (avec Jérémie Rénier), la Lorna des frères Dardennedr Angelina Jolie, magnifiquement dirigée par Clint Eastwood
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