M ANIFESTEMENT, les pouvoirs publics ont cédé avec raison au principe de précaution qui les a conduits, le 14 novembre 2000, à suspendre l'utilisation des farines carnées pour l'alimentation de tous les animaux en France. Ce fut à l'époque la principale mesure d'un plan visant à renforcer le dispositif de sécurité sanitaire contre le transmission de l'animal à l'homme d'une encéphalopathie spongiforme subaiguë transmissible (ESST). Une mesure étendue à l'ensemble de l'Union européenne, le 4 décembre suivant, pour une durée de six mois.
Dans un avis, daté du 7 avril 2001, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) recommande en effet de « maintenir la suspension de l'emploi des farines issues de ruminants et de certaines graisses issues de ruminants » dans l'alimentation de l'ensemble des espèces pour éviter les risques de transmission de la maladie de la vache folle ou ESB, forme bovine de l'ESST. C'est le 31 octobre 2000 que les ministres chargés de la Santé, de l'Agriculture et de la Consommation ont saisi l'AFSSA d'une demande d'avis portant sur les risques sanitaires liés aux différents usages des farines et graisses d'origine animale et aux conditions de leur traitement et de leur élimination.
L'alimentation au moyen de farines carnées, considérée comme le principal vecteur du prion, l'agent infectieux de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), est interdite en France, depuis 1990 pour les bovins et 1994 pour tous les ruminants. « Les farines de ruminants ne sont pas complètement sécurisées, malgré les améliorations successives », a estimé Martin Hirsch, directeur général de l'AFSSA, en présentant l'avis de l'agence. En dépit des « verrous de sécurité » (retrait des matériaux à risque spécifié, moelle épinière, rate, intestins, etc.), mis en place afin d'exclure la possibilité de contaminations croisées, l'AFSSA juge que « toutes les garanties ne peuvent être apportées d'une sécurisation suffisante des différentes étapes, depuis le recueil des matières premières jusqu'à l'usage en élevage ». L'actualité vient par ailleurs parfaitement illustrer les craintes exprimées par l'AFSSA : un premier cas de contamination par l'ESB d'une bête, née après juillet 1996, c'est-à-dire bien après l'interdiction des farines animales, vient d'être découvert (« le Quotidien » du 11 avril).
L'AFSSA pointe « la possibilité d'une autre source de contamination alimentaire ». « Le fait que, parmi les cas détectés sur le continent européen, le nombre de cas nés après l'interdiction des farines animales soit supérieur à celui des cas nés lorsque les farines étaient autorisées, conduit à prendre sérieusement en considération la possibilité d'une autre source de contamination alimentaire que les strictes farines de viande et d'os sur lesquelles l'attention s'est le plus focalisée », écrit l'AFSSA, qui recommande de « maintenir ou accentuer la vigilance sur les graisses d'origine animale, issues de ruminant ».
Des recommandations pour l'alimentation
Suivent des recommandations pour l'alimentation humaine, dont une mise en garde contre les « gélatines produites à partir d'os de bovins (...) tant que la question des colonnes vertébrales n'est pas résolue dans l'ensemble des pays présentant un risque ESB ». Un arrêté concernant le retrait des colonnes vertébrales est d'ailleurs en préparation, a indiqué Martin Hirsch. Les gélatines produites à partir d'os bovins (4 % de la totalité de ce type de produit) sont interdites en alimentation animale. Il est donc « cohérent », note l'AFSSA, « de tendre vers un même niveau de sécurisation » pour les deux types d'alimentation, humaine et animale. L'agence souligne encore que les suifs, préparés à partir des graisses recueillies après l'ouverture de la carcasse, peuvent présenter un risque de contamination par des débris de moelle épinière ou des esquilles osseuses venant de vertèbres. Elle préconise donc « l'emploi exclusif de graisses prélevées avant la fente de la colonne vertébrale ».
Au-delà des mesures prises pour éviter l'introduction de farines animales dans la chaîne des animaux de rente, l'agence souligne l'intérêt de réexaminer « l'ensemble des pratiques pouvant concerner directement ou indirectement la chaîne alimentaire ». Et de citer les conditions de rejet dans le milieu naturel, les épandages, l'incorporation dans les matières fertilisantes. L'AFSSA insiste sur la nécessité de « sécurisation des matières fertilisantes » et d'une « réglementation plus stricte de l'épandage ». Selon elle, la question la plus délicate à prendre en compte concerne « les eaux rejetées dans le milieu naturel par les installations dans lesquelles sont traitées ou stockées des déchets animaux ». « Les travaux sur la persistance du prion dans l'eau et les risques qui peuvent être liés à sa présence sont peu documentés », précise-t-elle. Elle ajoute que « compte tenu des caractéristiques du prion, celui-ci doit être considéré comme pouvant garder son pouvoir pathogène dans l'eau, à l'instar d'autres agents infectieux ». Il lui paraît donc justifié de « ne plus autoriser les rejets liquides sans traitement provenant d'installations traitant des déchets animaux dont tout ou partie provient de ruminants ». Il faut, selon elle, procéder à « une analyse de risque » pour chaque installation et mettre en uvre les traitements adaptés.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature