L A rupture de stock, événement parfois imprévisible, est toujours mal vécue par le consommateur, dont le traitement risque d'être compromis.
Inquiet de cette situation, que lui ont signalée des médecins et des pharmaciens, le député (DL) de la Sarthe, Pierre Hellier, vient de déposer auprès de Bernard Kouchner une question écrite à ce sujet.
Une pharmacienne de Haute-Savoie, qui a alerté son député après avoir constaté des ruptures de stock prolongées de vaccins observe : « Maintenant c'est arrangé, mais nous avons, par exemple, manqué de vaccins contre la polio pendant un an. Nos plaintes auprès du laboratoire sont restées lettre morte. Les laboratoires invoquent des problèmes de fabrication, ou le fait que les Etats-Unis sont passés de la vaccination orale à l'injection, ce qui fait que la consommation américaine a beaucoup augmenté... » Bref, la communication ne passe pas toujours. L'interrogation, indique cette officinale, a été relayée par Bernard Acoyer, député RPR du département, sans plus de résultats.
Dans son numéro de mai 2001, la revue « Prescrire » évoque - et dénonce - des ruptures de stock de vaccins, mais aussi de diverses spécialités, traitant des pathologies aiguës ou chroniques. Antibiotiques, antiémétiques, antimitotiques, antalgiques : toutes les classes sont concernées. Parmi les explications avancées, les laboratoires parlent « de problèmes de fabrication, de capacités de production insuffisantes, de difficultés d'approvisionnement, de problème de planning de fabrication, de rupture de stock de matière première, de mise en conformité de l'usine... ». Les patients, s'indigne « Prescrire », « n'ont pas à subir les conséquences des restructurations industrielles, des stratégies commerciales, des atermoiements sur des questions de rentabilité, voire de pénurie organisée pour promouvoir des nouveautés plus chères ».
Reproches que réfutent les acteurs de la chaîne de distribution du médicament. Et lorsque « Prescrire » écrit « cela commence à faire beaucoup » et estime que les autorités sanitaires « devraient au moins contraindre les firmes à informer correctement les professionnels de santé », ils se sentent suffisamment mis en cause pour réagir.
Informer les professionnels de santé
L'un d'eux relève d'abord qu'on ne pourra jamais « éliminer totalement ce type d'incident », ne serait-ce que parce que « l'informatisation des systèmes d'information produit une multiplication du nombre de cas visibles par le pharmacien ». La pharmacie « joint de façon plus automatisée son grossiste et peut commander plusieurs fois par jour le produit manquant ».
Dans le même temps, les fusions industrielles « peuvent désorganiser le système de distribution en amont de l'officine ». Les structures sont plus lourdes, et une usine produit un médicament pour l'Europe entière, par exemple : « En cas d'incident, il ne reste au partenaire non livré qu'à attendre son tour, dans une logique plus industrielle, moins "de proximité". » Un industriel note qu'il « suffit d'un incident de chaîne de fabrication pour hypothéquer la fourniture d'un médicament pour, par exemple, les deux prochains mois ».
Marie-Hélène Duroux (Alliance Santé) pointe du doigt les « microruptures » de stock, qui se résorbent avant qu'on ait eu le temps d'en informer les officinaux. Ces phénomènes sont « pénalisants pour la relation répartiteur-officinal et, par ailleurs, ils ont, chez ce dernier, des conséquences non négligeables en production et au niveau des coûts ». Elle signale que, pour répondre à certaines ruptures plus longues d'approvisionnement, le Club Inter Pharmaceutique a « mis au point une procédure de dotation pour approvisionner chaque répartiteur ».
Un responsable de la « Supply Chain » de l'OCP
- systèmes d'information communiquant entre eux pour faire circuler d'un bout à l'autre de la chaîne l'information sur l'approvisionnement - indique que « depuis un an, nous réfléchissons avec nos fournisseurs à la façon d'améliorer encore le service au client officinal ». Cet « effort d'harmonisation des actions et de gestion des crises » permettra de définir « une réaction commune face à ce type d'incident » lorsqu'il se produit. Avec les systèmes d'information Supply Chain, la communication « est constante entre fabricants, répartiteur et officinal, ce dernier recevant une lettre qui lui indique la nature du "problème" et la date prévisionnelle de retour à la normale ».
Proportionnellement peu de manquants
Alain Roudergue (CERP Rouen) fait remarquer que « d'après les listes de ruptures de stock publiées régulièrement - notamment par les CERP -, on note environ 50 médicaments manquants par mois, sur 7 300 spécialités : c'est-à-dire relativement peu ». Il salue le travail effectué par l'industrie pharmaceutique et souligne que, grâce à la concurrence entre laboratoires, « il est rare qu'une gamme thérapeutique soit en rupture. Par ailleurs, chaque laboratoire fait pour le mieux, ne serait-ce que pour préserver sa position sur le marché ». Il en va de même pour les répartiteurs et, globalement, comme le rappelle Alain Roudergue, « toute la chaîne travaille à ce qu'il y ait le moins de ruptures possibles ».
Mais la chaîne du médicament se doit d'être toujours plus performante et de tendre vers le « zéro défaut ». C'est sans doute dans cet esprit que le député de la Sarthe demande au ministre délégué à la Santé de « prendre des mesures pour remédier à cette situation (d'excès de ruptures de stock, NDLR) , au moins en contraignant les fabricants à une plus grande transparence ». Bernard Kouchner a deux mois pour répondre.
Les fabricants de vaccins informent
Côté vaccins, « nous avons eu, reconnaît Muriel Jouas (directeur de la communication Aventis Pasteur Vaccins), sur les trois premiers mois de l'année, une rupture d'approvisionnement de DT polio. Mais 260 000 doses ont été mises sur le marché voici une quinzaine de jours ». Le laboratoire a informé les pharmaciens, par mailing. Il n'est pas faux que des problèmes de rupture de stock surviennent parfois, mais cela tient aux conditions, particulières, de fabrication des vaccins : « Les contrôles sont longs et nombreux, et si l'une des valences ne "passe" pas l'un des contrôles, on détruit le lot, qui peut comprendre un nombre important d'unités. »
Le laboratoire, souligne-t-elle, réagit - et informe ses partenaires de la chaîne du médicament - lorsque le lot en cause est important, et surtout « lorsqu'il a le temps de le faire : il arrive, en effet, que l'un des contrôles négatifs soit parmi les derniers de la série, et on ne peut pas libérer un lot que l'on était à peu près certain de pouvoir mettre à disposition des prescripteurs et des dispensateurs ».
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