Médecine préventive

Vaccins égoistes et vaccins altruistes

Publié le 26/04/2007
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POUR LES VACCINS « altruistes », l'objectif est d'obtenir la couverture vaccinale le plus large possible, afin de protéger suffisamment les sujets non vaccinés par bénéfice indirect ou même d'éliminer la maladie. Les autorités de santé européennes se sont fixé comme objectif l'élimination de la rougeole à l'horizon 2010. Cela implique d'atteindre un taux d'immunisation dans la population de 95 %. Mais, en France, aujourd'hui, le taux de couverture vaccinale est encore insuffisant pour atteindre cet objectif. La vaccination antirougeoleuse nécessite depuis 1996 deux doses, la deuxième étant un « rattrapage » pour les sujets qui n'auraient pas développé d'anticorps lors de la première injection. Le schéma vaccinal actuel prévoit l'administration de la première dose à 12 mois et de la deuxième dose au cours de la deuxième année, avec un intervalle minimum de 1 mois entre les deux doses. Pour les enfants vivant en collectivité, il est possible d'injecter la première dose dès 9 mois avec, dans ce cas, administration de la deuxième dose entre 12 et 15 mois. Par ailleurs, le schéma prévoit des vaccinations de rattrapage pour les enfants nés entre 1981 et 2005 qui n'auraient pas été vaccinés dans les délais recommandés et qui ne font pas partie des générations chez lesquelles l'immunité a été acquise naturellement. Pour les enfants nés entre 1992 et 2005, les deux doses sont nécessaires. Pour les adolescents et les jeunes adultes nés entre 1981 et 1991, mais aussi pour le personnel de santé né avant 1981, au moins une dose est recommandée. Depuis 2005, la rougeole fait l'objet d'une déclaration obligatoire avec confirmation biologique systématique des cas cliniques par prélèvements salivaires. La conduite à tenir autour d'un cas prévoit de mettre à jour la vaccination chez les sujets contacts dans les 72 heures.

Bénéfices direct et indirect du vaccin antipneumococcique.

Le vaccin antipneumococcique est un autre bon exemple du bénéfice indirect potentiel des vaccins « altruistes ». Le pneumocoque est la première cause de méningite bactérienne, de bactériémie et de pneumonie bactériémique. Il existe deux pics de fréquence : chez les moins de 2 ans et chez les plus de 65 ans. Le vaccin antipneumococcique heptavalent immunise contre les 7 sérotypes responsables de 85 % des méningites et de 79,6 % des infections invasives à pneumocoque et couvre 90 % des souches résistantes aux antibiotiques. Ce vaccin a également une action sur le portage asymptomatique chez l'enfant, ce qui permet de réduire la transmission aux adultes et de provoquer une diminution nette des infections invasives à pneumocoque chez les sujets âgés non vaccinés. En France, une baisse de 11 % des infections à pneumocoque et de 28,4 % des méningites pneumococciques a été observée entre 2001 et 2005, qui devrait encore se majorer grâce à l'élargissement de l'indication vaccinale à tous les enfants de moins de 2 ans depuis 2006.

Conséquences épidémiologiques.

L'obtention d'une couverture vaccinale importante peut avoir à long terme des conséquences non négligeables sur l'épidémiologie. Ainsi, en France, la surveillance épidémiologique, remise en place depuis 1996 par l'intermédiaire du réseau Rénacoq, a montré une recrudescence des cas de coqueluche chez les nourrissons de moins de 6 mois et les adultes, sans que le mode vaccinal n'ait été modifié. Cela est dû au fait que l'immunité vaccinale est limitée dans le temps et qu'il existe une insuffisance de rappel après l'âge de 18 mois. On observe une diminution progressive de l'immunité chez les adultes qui peuvent alors contaminer les bébés. C'est cette population de jeunes adultes qui est visée par la politique vaccinale actuelle. Depuis 2005, un rappel associé au dTPolio (Repevax ou Boostrixtetra) est proposé chez tous les jeunes adultes amenés à être en contact avec des nourrissons (futurs parents, professionnels de la petite enfance, professionnels de santé…) et vient en complément du deuxième rappel recommandé depuis 1998, entre 11 et 13 ans.

Le choix de la stratégie vaccinale est plus complexe lorsqu'il s'agit de vaccins « égoïstes ». En France, les autorités de santé se posent la question de la poursuite d'une vaccination obligatoire par le BCG. Si l'incidence de la tuberculose est en augmentation dans le monde, le BCG n'a pas une place majeure dans la lutte contre cette maladie. Il n'en diminue pas la transmission et assure une protection individuelle incomplète. En revanche, les complications locorégionales liées au BCG par voie intradermique (seule forme disponible depuis la suppression en France de la forme par multipuncture) sont fréquentes, estimées à 3 %. Le choix consiste à poursuivre la vaccination généralisée, recommander la vaccination dans les régions à forte prévalence, ne vacciner que les enfants vivant dans des milieux à risque ou abandonner complètement la vaccination. Les enfants à risque sont des enfants nés dans des pays de forte endémie, ou dont au moins un des parents est originaire d'un de ces pays, les enfants devant séjourner plus de trois mois dans un pays de forte endémie, ceux ayant des antécédents familiaux de tuberculose parmi les collatéraux ou les ascendants. Le choix d'arrêter la vaccination systématique n'a pas été retenu par les commissions d'experts consultées, qui proposent plutôt la vaccination des enfants à risque, associée à un renforcement des autres mesures de lutte contre la tuberculose. Mais la décision finale est politique et actuellement la vaccination reste obligatoire dès l'entrée en collectivité.

« Prévention vaccinale : des stratégies globales aux stratégies ciblées », session présidée par le Pr Joël Gaudelus, hôpital Jean-Verdier, Bondy.

> Dr CAMILLE CORTINOVIS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8156