D'après un entretien avec le Dr Christian Bonnerot*
A côté des traitements fondés sur l'utilisation des anticorps monoclonaux, la vaccination antitumorale est à ce jour l'une des pistes les plus prometteuses en immunothérapie. Deux tournants décisifs ont en effet été opérés ces dix dernières années dans ce domaine. En premier lieu, les découvertes de Thierry Boon (Louvain) ont permis de comprendre que le lymphocyte T ne peut pas reconnaître un antigène tumoral entier alors que le fractionnement de celui-ci en peptides de plus petite taille, associés aux molécules du complexe majeur d'histocompatibilité, entraîne la formation de complexes, seuls susceptibles d'être reconnus. L'isolement de nombreux peptides a ainsi été à l'origine de multiples essais dont le but était d'induire une réponse immune antitumorale. Ces recherches ont essentiellement été menées dans le mélanome, où des régressions tumorales de l'ordre de 15 à 20 % ont pu être obtenues, un résultat peut-être faible mais qu'il faut savoir pondérer : tous les antigènes ne sont pas encore identifiés et les patients inclus étaient en stade terminal. Des tentatives d'optimisation ont alors été effectuées, notamment en recourant à des vecteurs viraux ou protéiques.
Parallèlement, une meilleure connaissance du rôle des cellules dendritiques dans la réponse immune a permis un nouvel espoir en immunothérapie antitumorale. Il est apparu que ces cellules présentatrices de l'antigène étaient les seules capables d'induire une réponse antitumorale via un processing de l'antigène et l'association aux molécules du complexe majeur d'histocompatibilité. De nombreux groupes ont par la suite pu produire, in vitro, des cellules dendritiques, ce qui a abouti à la mise en place de protocoles spécifiques. Gerold Schuller, en Allemagne, a ainsi traité 200 malades - il s'agit de la plus grande série réalisée à ce jour - et a pu montrer, pour la première fois, une corrélation entre la régression de la tumeur et la réponse immunitaire chez environ 40 % des cas.
Si la vaccination antitumorale a l'immense avantage de son innocuité, il s'agit cependant d'une approche thérapeutique extrêmement lourde et coûteuse, qui doit être réalisée à la carte. Elle nécessite, en effet, après leucaphérèse et purification des monocytes, une étape de mise en culture pendant six jours en présence de lymphokines (IL-4 et GMCSF), avant l'injection, effectuée tous les quinze jours puis tous les mois. De plus, il n'est pas démontré que ces traitements expérimentaux puissent s'adresser à toutes les tumeurs. Ciblés pour l'instant principalement sur le mélanome, ????? pour lequel différents antigènes ont été isolés et où l'on sait que le système immunitaire intervient dans la destruction tumorale, il existe également des perspectives d'utilisation dans le cancer du rein, et aussi dans les tumeurs du sein et de la prostate.
Le cancer du col et les dysplasies vulvaires ont aussi fait l'objet de plusieurs protocoles de la vaccination antitumorale, utilisant des vecteurs viraux (poxvirus), des lipopeptides issus d'HPV 16 ou des peptides seuls.
Quoi qu'il en soit, il s'agit assurément d'un domaine en pleine explosion. Autour de ce schéma central, de nombreuses variantes sont en effet possibles, comme celle des exosomes, vésicules sécrétées par les cellules dendritiques et qui possèdent cette capacité à déclencher une réponse immune. Ainsi, deux essais menés, en France dans le mélanome, et aux Etats-Unis dans le cancer bronchique, ont permis d'obtenir des survies très prolongées. Si les mécanismes exacts mis en jeu demeurent encore inconnus, les problèmes de normalisation non encore résolus et si l'identification des antigènes constitue toujours un prérequis indispensable, la vaccination antitumorale, notamment par la voie des cellules dendritiques, est actuellement considérée comme une voie potentiellement féconde à laquelle de nombreuses équipes, notamment françaises, consacrent leurs efforts.
* Institut Curie, INSERM U520.
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