De notre correspondante à New York
FACE à l'épidémie de SIDA, le besoin d'un vaccin VIH efficace et sûr qui permette, sinon d'éviter l'infection, au moins de protéger contre le développement du SIDA, se fait impérieux.
Les vaccins axés sur des virus vivants atténués ont toujours été très efficaces et, de surcroît, faciles à produire et à administrer sur une grande échelle. Ils ont permis par exemple d'éradiquer la variole et presque quasiment la polio. Ils stimulent généralement une vigoureuse réponse immune cellulaire et humorale, suscitent la production d'une mémoire cellulaire B et T durable et peuvent être administrés par voie orale ou nasale. L'idéal pour une vaccination de masse dans des pays pauvres.
Un tel vaccin VIH vivant atténué serait probablement efficace, mais le risque de maladie associé à cette approche est trop grand.
Une équipe, dirigée par le Dr Rose (université de Yale, New Haven, CT), propose une alternative : un vaccin VIH axé sur le virus de la stomatite vésiculaire vivant atténué.
Le VSV infecte le bétail
Le virus de la stomatite vésiculaire, ou VSV, infecte le bétail : il donne lieu a une éruption vésiculeuse, disparaissant en deux semaines. Chez l'homme, l'infection peut causer des symptômes grippaux. Mais elle demeure rare dans la plupart des régions du globe, ce qui fait du VSV un excellent vecteur vaccinal potentiel. D'autant que l'équipe en atténue la virulence. Autre avantage, le VSV se réplique dans le cytoplasme, le risque d'une persistance, par intégration dans le génome de l'hôte, ou d'une altération l'ADN est donc mineur. Ce virus était déjà connu pour son effet cytolytique sur les cellules cancéreuses (« le Quotidien » du 3 juillet 2000)
Voici quelques années, l'équipe a réussi à manipuler le VSV, un virus à ARN, de façon qu'il exprime des gènes étrangers. « Avec le développement des VSV recombinants, on peut incorporer les gènes du VIH, ou simplement n'importe quels gènes dans le génome VSV », commente le Dr Rose.
Après des résultats positifs chez la souris, les chercheurs décrivent leurs résultats chez le singe dans la revue « Cell ».
Les singes ont été initialement vaccinés avec un VSV recombinant vivant atténué exprimant la protéine EnvG VIH (un hybride de l'enveloppe du VIH, dont le domaine cytoplasmique est remplacé par le domaine cytoplasmique de la protéine G du VSV) et la protéine gag du SIV. Les singes ont ensuite reçu deux rappels, chacun à deux mois d'intervalle, avec le même VSV recombinant atténué, hormis que la protéine G du VSV est remplacée chaque fois par la protéine G d'un VSV de sérotype différent. Ce qui permet d'éviter une réponse des anticorps neutralisants envers le vecteur.
Dans cette étude, les vaccins et les rappels ont été administrés à la fois par voie orale et I.M., ou intranasale et I.M. Les singes macaques ont ensuite été exposés par voie I.V. à un virus du SIDA (SHIV89.6P), trois ou six mois après le dernier rappel.
Les résultats sont prometteurs. Les 7 singes initialement infectés, puis vaccinés, restent en bonne santé jusqu'à quatorze mois après l'exposition, avec une virémie faible ou non décelable. En comparaison, 7 des 8 singes témoins ont progressé vers le SIDA en moins de six mois et tous présentent une déplétion sévère des CD4 et une virémie élevée.
Les chercheurs veulent savoir, chez le singe, si une seule vaccination, ou une vaccination suivie d'un seul rappel, peut conférer la même protection. Ils projettent aussi d'évaluer la seule administration intranasale du vaccin, qui pourrait suffire, d'après des études parallèles du VSV exprimant l'hémagglutinine du virus grippal.
« Les vecteurs VSV sont des candidats prometteurs pour les essais humains de vaccin anti-SIDA , concluent-ils, car ils se propagent à des taux élevés et peuvent être délivrés sans injection. » Ils élaborent actuellement un protocole pour des essais de phase 1, en collaboration avec Wyeth Lederlé Vaccines, basé à Philadelphie.
« Cell », 7 septembre 2001, p. 539.
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