Vaccin préventif VIH, même imparfait, des bénéfices à portée de main sur l'épidémie

Publié le 20/07/2017
Article réservé aux abonnés
vaccin vih

vaccin vih
Crédit photo : PHANIE

Si l'arrivée d'un vaccin VIH idéal, 100 % efficace et universel n'est pas encore pour demain, la recherche vaccinale, toujours très active malgré de nombreuses déceptions et plus de 400 essais cliniques, avance. Un vaccin américano-thaï, le RV144 testé chez 16 000 volontaires en Thaïlande, est le premier, et jusqu'à présent le seul, à avoir apporté en 2009 la preuve d'une efficacité modeste mais bien réelle.

L'objectif aujourd'hui est d'améliorer le niveau de protection à 2 ans, qui diminue avec le temps, en visant désormais 50 % contre les 30 % thaïlandais. « Même avec un vaccin imparfait, ce serait énorme de pouvoir avoir un impact de santé publique sur l'épidémie de VIH à l'échelle d'une population à risque », explique le Pr Jean-Daniel Lelièvre, immunologiste au CHU de Créteil et directeur de la reherche clinique au sein de l'institut de recherche vaccinal (VRI), un Labex dont l'ANRS est partenaire. « S'il est utilisé en même temps que les outils de prévention à l'efficacité prouvée que nous utilisons déjà, un vaccin sûr et efficace pourrait constituer le coup de grâce contre le VIH », a estimé Anthony Fauci, directeur de l'institut américain des allergies et des maladies infectieuses.

Le vaccin RV144 

Le vaccin RV144 est ainsi le fer de lance de la piste vaccinale des anticorps contre les protéines d'enveloppe virale gp120. « Des trois grandes stratégies explorées aujourd'hui pour induire une réponse immunitaire contre le VIH, c'est la piste la plus avancée devant le vaccin par anticorps neutralisants à large spectre et le vaccin CD8 », explique Jean-Daniel Lelièvre.

Les protéines d'enveloppe seules induisent une réponse immunitaire mais non protectrice, explique l'immunologiste. Le vecteur joue un rôle important dans l'induction d'une réponse immunitaire efficace. Le vaccin RV144 est ainsi composé de deux vaccins, ALVAC à partir du virus de la variole du canari (canaripox virus) et AIDSVAX B/E basé sur la protéine gp120. « En associant les protéines d'enveloppe à un vecteur de type poxvirus, on a obtenu une réponse de type ADCC, c'est-à-dire une cytotoxicité dépendante des anticorps », explique le Pr Lelièvre.

Un nouvel essai testant une version améliorée du RV144, baptisé HTVN 702, a été lancé en novembre 2016 auprès de 5 400 volontaires en Afrique du Sud. Ce candidat vaccin « musclé » composé d'ADN codant pour les protéines gag, pol et env suivi d'une injection avec la protéine gp120 a été adapté aux populations locales. Les résultats sont attendus d'ici 4 à 5 ans.

La France participe aux efforts internationaux de recherche. « Au VRI, nous travaillons sur la meilleure façon de présenter les protéines d'enveloppe aux cellules dendritiques, expose le Pr Lelièvre. Alors que la production à grande échelle de protéines d'enveloppe pose problème, l'idée est d'arriver à diminuer la quantité d'antigène nécessaire grâce à un ciblage, ou "targeting", des cellules dendritiques ». Des essais d'immunogénicité vont commencer sous peu sous la direction du VRI, « qui a l'expertise pour aller du début à la fin, de la conception aux essais cliniques », se félicite le chercheur.

Un candidat « VIH-rougeole »

À l'Institut Pasteur, l'équipe dirigée par Frédéric Tangy a mis au point un candidat vaccin « VIH-rougeole » qui est un vaccin « recombinant » basé sur le virus atténué de la rougeole et intégrant du génome viral (gag, env, nef). La dernière version a donné des résultats prometteurs chez le primate en réussissant à protéger 75 % des animaux contre l'établissement de l'infection chronique, les 25 % restants contrôlant la réplication virale, et ce, avec une mémoire très longue. « Ce vecteur a la particularité d'être réplicatif, explique Frédéric Tangy. Des particules virales très immunogènes, à la fois de la rougeole et du VIH, sont exprimées à la surface des cellules infectées, ce qui induit une réponse systémique. C'est un vaccin "écolo", facile à produire, peu cher, ayant une sûreté totale et sans adjuvant ».

Plus classique, la piste des anticorps neutralisants à large spectre (ou « bNAbs » pour broadly neutralizing antibodies), qui sont censés bloquer complètement l'infection, n'est pas abandonnée, bien au contraire. « On a longtemps pensé que ces anticorps neutralisants à large spectre n'existaient pas, explique le Pr Lelièvre. Des équipes américaines ont récemment réussi à les caractériser chez des sujets infectés. Quand on administre ces anticorps à des macaques, ils sont protégés contre l'infection ». Si environ 20 à 30 % des sujets infectés ont des anticorps neutralisants, moins de 1 % des sujets (dits « elite neutralizers ») présentent des anticorps neutralisants à large spectre.

Réponse CD8

« Le problème, c'est que le virus en mutation perpétuelle a toujours une longueur d'avance, explique le Pr Lelièvre. Les anticorps neutralisants à large spectre mettent du temps à apparaître, en moyenne 2 ans, car ils sont le produit d'une coévolution entre le virus et le système immunitaire suite à une série d'interactions. Si l'on arrivait à faire en sorte que ces anticorps neutralisants large spectre soient présents lors de l'infection, l'organisme aurait une longueur d'avance. Actuellement, on en est à tenter de reproduire le développement au fil du temps de ces anticorps dans des modèles animaux. Cette méthode d'immunisation successive implique qu'il faudrait administrer 4-5 vaccins, ce qui est beaucoup plus compliqué qu'un vaccin classique ».

La troisième grande stratégie, qui repose sur le développement d'un vaccin CD8 est explorée par l'équipe de Louis Picker à l'université de l'Oregon. « C'est une approche complètement différente, explique le Pr Lelièvre. Le vaccin a pour but d'induire une réponse cellulaire CD8. Le gros avantage est que la réponse induite est très précoce, mais il s'agit d'une réponse oui/non. Dans les essais précliniques, la réponse n'est obtenue que chez 50 % des animaux ». Les essais cliniques en sont à leur tout début.

Pour Anne-Sophie Beignon, chercheuse CNRS en immunologie spécialiste des vaccins : « Il est probable que le futur vaccin sera une combinaison de ces différentes approches. Les recherches en cours sont en très bonne voie. Mais il est difficile de prédire précisément quand elles aboutiront enfin à un vaccin préventif contre le VIH efficace à 100 % et disponible pour tous. »

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9597