Q UE se passe-t-il avec le vaccin à virus atténué contre la fièvre jaune mis au point en 1937 par deux New-Yorkais ? La souche originelle 17D (17DD et 17D-204) a-t-elle muté ? Une publication brésilienne rapporte deux cas de fièvres hémorragiques fatales après vaccination ; l'un chez une enfant de 5 ans qui a présenté un malaise général avec céphalées et vomissements trois jours après, et décédée cinq jours plus tard ; l'autre chez une femme de 22 ans originaire des Caraïbes ayant déclaré un syndrome infectieux quatre jours plus tard (fièvre, céphalées, myalgies, maux de gorge, vomissements), suivi d'un ictère avec défaillance rénale et du décès. Dans les deux cas, les lésions histologiques correspondaient à des formes modérées de fièvre jaune. Toujours sur le continent américain, des infectiologues du CDC (Centers for Diseases Control and Prevention) d'Atlanta font part de quatre cas (dont trois mortels) de syndromes infectieux (céphalées, fièvre, myalgies, confusion) suivis de défaillance polyviscérale à la suite de la vaccination contre la fièvre jaune, mais, cette fois-ci, chez des sujets âgés de plus de 63 ans. Pour ces patients, le rapport de cause à effet est moins évident, mais des arguments chronologiques, virologiques et immunologiques sont pourtant fortement en faveur de complications liées à la souche virale inoculée. Un dernier cas certain de décès par fièvre jaune après vaccination chez un homme de 56 ans est décrit par une équipe australienne. Le diagnostic est nécropsique, car le tableau clinique initial (fièvre, myalgies, céphalées, vomissements) suivi d'une jaunisse sans signe localisé d'infection n'a pas permis d'en évoquer l'hypothèse.
Des recommandations inchangées
Philippe Marianneau, chercheur à l'institut Pasteur de Lyon (unité de biologie des infections virales émergentes), à qui le « Lancet » a demandé un commentaire, a tenu à souligner que « les recommandations en matière de vaccination pour les zones d'endémie ou d'épidémie sont inchangées. Il est vrai, indique-t-il, quela souche 17D qui sert à la fabrication du vaccin est très hétérogène ; et, malgré de nombreuses études, on ne sait pas encore totalement quels sont les facteurs impliqués dans l'atténuation virale ». Par exemple, les chercheurs australiens ont retrouvé la même mutation dans la souche vaccinale et celle ayant causé l'infection, inexistante dans la souche sauvage, mais n'ont pas été pas en mesure de l'impliquer dans l'augmentation de la virulence du germe.
« Il faut distinguer les cas brésiliens et australien, qui sont semblables à des fièvres jaunes transmises par des souches sauvages, des cas chez les sujets âgés américains qui semblent être un nouveau syndrome postvaccinal, explique encore le virologue. Les différences cliniques devraient nous inciter à mener des recherches sur la physiopathologie de cette maladie pour savoir quelles sont les bases de l'atténuation des souches vaccinales et quels sont les facteurs de risque individuels de sensibilisation à la vaccination. Cela implique, d'une part, des essais in vitro et in vivo pour connaître les mécanismes lésionnels cellulaires avec les deux types de souches ; d'autre part, une évaluation de la réponse immune. »
La fièvre jaune, en recrudescence en Afrique subtropicale et en Amérique du Sud depuis vingt ans, est létale dans 20 à 50 % des cas, en particulier chez le sujet âgé. Les quelque cent millions de doses de vaccin 17D, produites chaque année sous le contrôle de l'OMS, permettent d'obtenir une séroconversion dans plus de 95 % des cas, durable au minimum trente ans. On comprend pourquoi, malgré la sévérité des réactions postvaccinales décrites, la vaccination des personnes vivant dans les zones d'endémie et des voyageurs n'est pas remise en question.
« The Lancet », vol. 358, 14 juillet 2001, pp. 84-85, 91-97, 98-104, et 121-122.
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