On se souvient d'un précédent travail qui a montré que les hommes exposés à plus de 1 000 piqûres de moustiques infectés et irradiés développent une protection à 90 %, laquelle dure pendant plus de dix mois (S. Hoffman et coll., « J Infect Dis », 2002 ; 185, 1155-1164). On le comprend aisément : il serait totalement déraisonnable d'envisager une vaccination à grande échelle chez les humains en les soumettant aux piqûres de milliers de moustiques irradiés. Stephen Hoffman (fondateur de la société Sanaria, basée à Gaithersburg, Maryland, Etats-Unis) a donc pensé à un travail publié il y a trente-six ans. Revenons donc à l'année 1967.
Cette année-là, le groupe de Ruth Nussenzweig (université de New York) montre que des souris peuvent être protégées contre le paludisme si on leur injecte des sporozoïtes provenant de moustiques irradiés.
Des sporozoïtes de moustiques irradiés
Chez l'homme, les sporozoïtes sont capables d'infecter le foie et d'y déclencher une réponse immunitaire mais, affaiblis par l'irradiation, ils sont incapables d'infecter les globules rouges et de déclencher le paludisme. Fort de ces résultats chez la souris, Hoffman a donc eu l'idée de vacciner l'homme par des sporozoïtes. Mais comment en obtenir en quantités suffisantes ? Réponse du chercheur : tout simplement en élevant des milliards de moustiques irradiés, en les nourrissant avec des globules rouges infectés, puis en disséquant leurs glandes salivaires pour en extraire les sporozoïtes, les purifier et les stocker.
Sachant qu'une piqûre de moustique inocule de 10 à 20 sporozoïtes, une dose minimale de vaccin, équivalente à 1 000 piqûres, nécessiterait de 10 000 à 100 000 sporozoïtes. Cela, afin d'être certain qu'assez de parasites vivants atteignent le foie. L'objectif peut d'ores et déjà être atteint à partir d'un moustique, estime Robert Sauerwein (université de Nijmegen, Pays-Bas), collaborateur d'Hoffman. Ainsi, un moustique pourrait produire une dose de vaccin.
Cela suppose, bien entendu, que la plupart des sporozoïtes vont survivre et rester immunogènes après stockage. Dans le cas contraire, il en faudrait davantage.
Par ailleurs, même si les moustiques injectent leurs sporozoïtes dans le sang - une voie efficace pour gagner le foie -, il n'est pas question de vacciner par voie intraveineuse.
La voie sous-cutanée
Hoffman opte pour la voie sous-cutanée.
En attendant, le chercheur américain va s'efforcer d'obtenir des sporozoïtes d'une qualité acceptable pour des essais cliniques. Quand il y sera parvenu, le vaccin pourrait, espère-t-il, être rapidement testé chez l'homme dans des régions d'Afrique où la transmission du paludisme est particulièrement élevé.
* « Nature » du 2 octobre 2003, p. 437 (rubrique « news »).
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