D ES vaccins vivants atténués ont été utilisés avec succès pour contrôler les épidémies de variole, de poliomyélite et de rougeole. Dans le cadre de travaux préliminaires, on a tenté de développer un vaccin vivant atténué contre le VIH (LAHV pour Live Attenuated HIV Vaccine).
Toutefois, l'utilité potentielle d'un tel vaccin anti-SIDA est controversée pour des raisons de sécurité. Le problème majeur est qu'une souche virale, même très atténuée, risquerait de provoquer un SIDA dans une frange de la population vaccinée. En effet, avec le vaccin polio vivant atténué, on a observé quelques cas de poliomyélite paralytique et tout vaccin vivant atténué a le potentiel de provoquer la maladie.
Un SIDA chez certains animaux
Des études chez le macaque avec le virus simiesque (VIS) ont montré que si un vaccin vivant atténué protège très efficacement contre le virus sauvage, il peut toutefois provoquer un SIDA chez certains animaux.
Chez l'homme, un VIH naturellement atténué peut aussi provoquer l'infection ; c'est ce qu'on a récemment observé dans une cohorte d'homosexuels australiens ; et le suivi à long terme de ces patients montre que ce virus atténué peut provoquer une détérioration immunitaire.
La recherche d'un LAHV représente donc un important challenge.
L'efficacité et la sécurité du LAHV seront déterminées par des essais cliniques de phase III. Toutefois, on devra comprendre l'aspect sécurité à un niveau épidémique avant qu'un candidat vaccin puisse être considéré comme un potentiel agent de contrôle de l'épidémie.
Pour comprendre ce qui se passerait au niveau épidémique, il faut utiliser un modèle mathématique, destiné à déterminer le degré d'acceptabilité entre, d'un côté, l'efficacité vaccinale (en termes de prévention de nouvelles infections) et, de l'autre, la nocivité du vaccin (en termes de décès induits par le vaccin). L'équipe de Blower (Los Angeles) a établi un tel modèle mathématique afin d'évaluer les conséquences d'une grande variété de LAHV dans deux pays où l'ampleur de l'épidémie à VIH est très différente : d'un côté, le Zimbabwe, où la prévalence de l'infection à VIH est de 25 %, de l'autre, la Thaïlande, où la prévalence est annoncée à 2 %. Au Zimbabwe, le taux annuel de décès liés au SIDA est de 1 987 pour 100 000 ; il est de 159 pour 100 000 en Thaïlande.
Selon ce modèle mathématique, les prévisions sont les suivantes.
Tous les modèles utilisés donnent le même résultat : une vaccination par LAHV conduirait à l'éradication des souches sauvages et la prévalence du virus atténué vaccinal augmenterait à un niveau épidémique. Autrement dit, une vaccination de masse conduirait au remplacement d'un virus pathogène (souche sauvage) par un virus relativement avirulent (souche vaccinale atténuée). Toujours selon le modèle mathématique, il suffirait d'arrêter la vaccination pour éradiquer la souche vaccinale à son tour.
Mais tout n'est pas si simple.
Car si, au Zimbabwe, on observerait au fil du temps une baisse substantielle de la mortalité liée au SIDA, en revanche, en Thaïlande, le nombre total annuel de décès liés au SIDA augmenterait dans la majorité des simulations. Dans ce pays, les effets de la vaccination seraient délétères. Une vaccination qui conduirait plus de 5 % des individus vaccinés vers le SIDA dans les 25 ans serait délétère en Thaïlande mais pas au Zimbabwe.
« Il apparaît peu probable que la pandémie de VIH sera contrôlée - particulièrement en Afrique - à moins que des vaccins efficaces soient développés, indiquent les auteurs. Si des vaccins prophylactiques non LAHV sont utilisés, ils réduiront la transmission et n'auront que des résultats bénéfiques au niveau épidémique. (...) Ces vaccins pourraient éradiquer le VIH à la fois en Thaïlande et au Zimbabwe sans effet pervers en dehors d'une augmentation des comportements à risque. Malheureusement, il est très difficile de développer de tels vaccins. Il est possible que les LAHV soient les vaccins anti-VIH les plus efficaces qui soient développés. »
Toutefois, on en est pour l'instant au risque délétère potentiel de ces LAHV. D'autant que ces vaccins pourraient aussi induire une mutagenèse et que la souche vaccinale pourrait se recombiner avec une souche sauvage et aboutir à un virus sauvage superinfectant.
« Proc Natl Acad Sci USA », 13 mars 2001, pp. 3618-3623.
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