S UR le front du vaccin anti-VIH, l'urgence est maintenant absolue. Comme l'indique le Pr Kazatchkine, et contrairement au sentiment trompeur qu'inspire à l'opinion le succès des trithérapies, « l'épidémie n'en est qu'à ses débuts. Le pic est encore devant nous. » A l'horizon 2010-2015, 150 millions de personnes pourraient être infectées dans le monde.
Le 25 juin, l'ONU se penchera sur la question en assemblée générale, la première de son histoire consacrée à une question médicale. Le SIDA figure, par ailleurs, à l'agenda du G8 en juillet prochain. Pour toutes les agences de recherche gouvernementales en Europe et et en Amérique du Nord, le vaccin représente donc une priorité.
Du côté français, les moyens disponibles ne permettent d'approfondir qu'une seule piste : les vaccins à base de lipopeptide synthétique mimant un composant du virus. Depuis le début des années 1990, plusieurs essais de phase I/II ont déjà été menés, qui montrent qu'une immunité cellulaire potentiellement protectrice peut être obtenue dans la moitié des cas au moins, et probablement davantage. Quatre nouveaux essais devraient être lancés cette année. Il s'agit de l'essai VAC 15, destiné à tester un lipopeptide fabriqué selon des « process » industriels - qui seraient évidemment indispensables le cas échéant ; de l'essai VC 16, destiné à tester l'administration sous-cutanée, qui, selon des indications obtenues chez le singe, serait préférable à la voie intramusculaire ; enfin, de l'essai VC 17, qui comporte une injection de rappel destinée à apprécier la rapidité avec laquelle le système immunitaire peut se remobiliser après une première injection. A cela s'ajoute l'essai VC 14, dont l'objectif est d'induire une immunité muqueuse, telle qu'elle a été observée chez le membre non infecté des couples sérodiscordants, ou chez certaines prostituées des métropoles africaines, particulièrement exposées et non infectées.
Des bénévoles de 21 à 55 ans
C'est donc pour participer à ces essais que l'ANRS lance sa campagne. Les volontaires, bénévoles mais indemnisés de leurs frais, doivent être âgés de 21 à 55 ans, ne pas être infectés et ne pas présenter de risques de contamination particuliers, présenter une bonne santé générale. La grossesse est en outre exclue chez les femmes pour la durée de l'essai.
Selon le témoignage de trois volontaires engagés depuis le milieu des années 1990 dans le réseau, et qui présenteront la campagne, la participation ne comporte que des contraintes de disponibilité tout à fait supportables. Ces volontaires ont insisté sur la qualité de l'accueil, de l'information et du suivi par l'équipe de l'unité INSERM 445 qui mène les essais à l'hôpital Cochin. Une véritable relation semble d'ailleurs s'être nouée entre équipe de recherche et volontaires.
2005, date charnière
Une fois ces essais lancés, il restera à attendre la date charnière de 2005, à laquelle, au vu de tous les résultats obtenus en France et ailleurs, il sera décidé si les éléments sont suffisants pour lancer des phases III. Selon le Pr Kazatchkine, parmi la quinzaine de formules aujourd'hui en expérimentation dans le monde, il y a bon espoir que deux ou trois candidats vaccins entreront dans cette phase d'évaluation de l'efficacité. On devra alors gros aux volontaires qui auront permis d'aller jusque-là.
Tous les renseignements sur le réseau de volontaires sont disponibles au 0.800.156.156. Un document d'information peut être obtenu auprès de : « Volontaires pour un vaccin », 101, rue de Tolbiac, 75013 Paris.
Roger-Gérard Schwartzenberg : « Le vaccin, une grande priorité de santé publique »
Dans un communiqué, le ministre de la Recherche, Roger-Gérard Schwartzenberg, apporte son plein appui aux essais vaccinaux et à la campagne de recrutement lancés par l'ANRS. Le ministre qualifie la recherche d'un vaccin contre le SIDA de « grande priorité de santé publique », aussi bien pour les pays développés, où les trithérapies « ralentissent l'évolution de la maladie, mais ne la guérissent pas », que dans le monde entier, où vivent 40 millions de personnes infectées.
Il confirme que si les essais de phases I et II en cours, et les quatre nouveaux essais prévus cette année, sont concluants, des essais de phase III pourraient être lancés à partir de 2005.
Il indique, en outre, avoir confié au Pr Maxime Seligmann une mission d'évaluation de la faisabilité d'une structure européenne de recherche publique, consacrée aux essais cliniques dans l'infection par le VIH et le SIDA. La commission chargée du projet devrait rendre une note, qui sera examinée lors du conseil de recherche du mois de juin prochain.
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