DÉJÀ, HOMERE la décrivait comme une terre mythique. Et depuis, la Corse a toujours fasciné, tant par sa beauté que par la personnalité de ses habitants. Elle dégage comme un mystère. Elle est objet de rêve et de fantasme. «J’ai quelque pressentiment qu’un jour cette petite île étonne l’Europe», confiait Jean-Jacques Rousseau en 1762 dans son « Contrat social ».
L’histoire de la Corse n’est pas commune. De tous temps convoitée de par sa position stratégique, l’île a gardé intacte, sinon son indépendance, en tout cas son identité. L’âme corse n’est pas un vain mot. L’île de Beauté s’est peu à peu ouverte au monde extérieur, tout en préservant farouchement son intégrité. Elle est devenue par là même un objet touristique très particulier. D’où l’intérêt de l’exposition de Corte, qui s’ouvre avec le siècle des Lumières. La Corse commence alors à jouir d’un certain engouement, principalement sous l’impulsion de l’aristocratie anglaise, qui y séjourne volontiers. Les voyageurs du « Grand Tour » (ce long périple qu’effectuent les jeunes gens de la société britannique en Europe continentale à partir du XVIIIe siècle, pour parfaire leur éducation) ou les artistes qui partent pour un séjour initiatique en Italie, ne manquent pas de faire étape sur l’île ; des médecins vantent ses vertus, son climat ; on se rend à Ajaccio pour trouver le repos, « se refaire une santé » ; on se promène dans le maquis et les montagnes pour satisfaire une envie de dépaysement.
Au XIXe siècle, les écrivains sont nombreux, qui viennent découvrir l’île - Balzac, Dumas, Daudet, Maupassant, Loti et bien sûr Prosper Mérimée, qui y trouve l’inspiration pour son célèbre « Colombo ». Les photographes, écrivains et peintres livrent volontiers leurs visions du « bandit corse » (voir dans l’exposition les photos de Barthélemy Graziani, la gravure de S.W. Fores), qui devient un mythe et un attrait exotique pour le touriste. Les peintres Edward Lear, William Cowen et Antoine Melling s’inspirent des forêts de Bavella, du golfe d’Ajaccio et des ruines d’Aléria. Grand alpiniste et peintre paysagiste du XIXe, Theodore Compton livre une très belle « Vue de Corte ». Le prince Roland Bonaparte, qui voyage en Corse en 1887 prend de très belles photos de l’île, notamment de la montagne. Ajaccio, «le souvenir de Napoléon avec des maisons autour» (la phrase est de Bergerat), devient une destination prisée dès le Second Empire.
L’apparition de l’affiche va donner un essor au tourisme corse au début du XXe siècle. Roger Broders vante les beautés des sublimes calanques de Piana ou de la plage de Calvi. Lucien Péri réalise, quant à lui, des « réclames » attrayantes aux couleurs chaudes, fauves, lumineuses. Les transports se développent et permettent aux touristes de se rendre en Corse en un temps record (voir les affiches pour la Compagnie des chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée). Le tourisme estival et balnéaire s’intensifie et se démocratise en 1936 avec les premiers congés payés. L’exposition se clôt avec les années 1950-1960 qui voient l’essor des clubs de vacances et d’un tourisme de masse (très belle photo d’Henri Cartier-Bresson, du Club Méditerranée de Santa Giulia en 1969).
Pour compléter cette immersion dans le tourisme corse, on pourra voir à la bibliothèque Forney*, à Paris, une exposition intitulée « Les vacances » : plus de 150 images choisies dans les collections de la bibliothèque – gravures, affiches, catalogues commerciaux, dépliants touristiques, cartes postales… –, qui racontent les moeurs des vacanciers à travers plus d’un siècle.
Musée de la Corse-Musée régional d’anthropologie, Citadelle, 20250 Corte. Tél. 04.95.45.25.45. Entrée : 5,30 euros (TR : 3 euros). Tlj sauf lundi, de 10 h à 18 h. Jusqu’au 30 avril. Catalogue, coédition Éditions Albiana/Musée de la Corse.
* Paris 4e. Tél. 01.42.78.14.60. Jusqu’au 30 décembre.
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