Une reconnaissance. Et peut-être même le début d’une hiérarchisation de la classification commune des actes médicaux (CCAM) en médecine générale... Avec l’entrée en vigueur de la Visite Longue (VL) à partir du 26 mars, c’est d’abord un symbole fort qui a été envoyé à la profession. Inscrite dans la Convention médicale l’été dernier, la création de cette consultation prévue pour la prise en charge de patients atteints de maladies neurodégénératives est désormais officielle depuis la publication au JO à la fin février de la décision de nomenclature la concernant. Celle-ci prévoit que cette consultation puisse être tarifée, a priori une fois par an ou davantage en cas de modification de l’état de santé du patient ou de son environnement.
Cette consultation est-elle une révolution pour le médecin traitant ? Pour certains, cette nouvelle tarification est surtout la revalorisation d’un travail déjà effectué par la plupart des médecins. « C’est la reconnaissance d’un travail qui se faisait déjà, pour lequel le médecin généraliste prenait du temps. C’est donc un encouragement à ce que les actes qui le nécessitent puissent être rémunérés à leur hauteur », raconte Claude Leicher, président de MG France. La VL faisait néanmoins partie d’une demande forte du syndicat par rapport au plan Alzheimer: « Nous avons demandé à ce qu’il y ait une nomenclature spécifique dans l’exercice quotidien des généralistes de leur intervention dans le cadre de l’organisation des soins pour les patients ayant une perte d’autonomie cognitive », poursuit-il. À l’Unof, on estime aussi que la VL « ne va pas changer grand-chose » au travail du généraliste. Mais « cela va surtout introduire dans la médecine générale un début de nomenclature clinique », glisse Michel Combier, président de l’Unof.
À quoi ressemblera cette consultation ?
Selon les textes parus au Journal Officiel, le médecin traitant devra réaliser au cours de cette visite une évaluation gérontologique comprenant « notamment l’évaluation de l’autonomie et des capacités restantes, l’évolution des déficiences, ainsi que l’évaluation de la situation familiale et sociale » du malade. Une consultation longue et complexe en somme. À MG comme à l’Unof, on souligne toutefois que « tout ce qui est écrit dans le JO n’est pas une obligation ». Cette visite, que le médecin doit réaliser avec le ou les aidant(s), vise à préparer l’organisation de la coordination de la prise en charge du patient atteint d’une maladie neurodégénérative. « Ce qui est intéressant dans la VL c’est que le médecin va voir le malade dans son milieu, il va pouvoir évaluer le milieu du patient et faire valoir son rôle de coordination avec tout l’environnement médico-social. C’est une spécificité de la médecine générale », explique Michel Combier.
Une formation en gérontologie
L’arrivée du V Alzheimer pose aussi la question de la formation à l’évaluation gérontologique. « Dans ce domaine-là, je dirais qu’une formation continue pourrait intéresser beaucoup de médecins traitants », suppose Claude Leicher. La complexité des évaluations annoncées dans le texte du Journal Officiel laisse en effet perplexe certains syndicalistes. « C’est illusoire de penser pouvoir accrocher à une VL cet ensemble de textes. C’est trop lourd tout ce qui est demandé, d’autant plus que tous les médecins ne sont pas formés à ces outils », explique le Dr Philippe Marissal, Président du Syndicat national des généralistes intervenant en Ehpad (SNGIE). Le temps nécessaire pour réaliser l’ensemble des grilles d’autonomie dont il est question dans le texte est aussi relevé par le syndicat. Deux heures seraient nécessaires selon lui pour réaliser une évaluation gérontologique de la personne malade. La plupart de vos représentants soulignent qu’en fait cette visite devrait plutôt permettre de faire un état des lieux sur l’entourage de la personne à son domicile, sur l’état physique et psychologique de la famille qui s’en occupe, ainsi qu’une évaluation de ses capacités d’autonomie. « Si l’on ne doit pas refaire à chaque fois toutes les grilles c’est faisable, par contre si cela veut dire qu’il faut refaire l’ensemble des tests et l’inscrire dans le dossier du patient, personne ne le fera », prévient le Dr Philippe Marissal. Entre d’autres termes, cette VL n’est pas une visite qui doit se faire sous un modèle gériatrique. Le médecin doit au contraire s’intéresser à l’état somatique de son patient, faire un bilan biologique et un point sur son état nutritionnel. « Ce que le généraliste honnête et sérieux fait déjà », résume le président du SNGIE.
Hiérarchisation des actes
L’entrée en vigueur de la VL pose aussi la question du début du chantier de la ccam clinique, une ouverture réclamée depuis longtemps par l’Unof. Le nouveau VL sera-t-il bientôt suivi par une consultation lourde pour les personnes en ALD ou pour les personnes âgées qui demandent plus de temps que les consultations classiques. « Nous attendons sur ce sujet le résultat d’une enquête sur le contenu des consultations de toutes les spécialités et donc aussi en médecine générale, qui a été réalisée par l’Ifop pour la Cnamts, dont nous aurons le compte rendu au cours de la prochaine Commission paritaire nationale en avril », annonce le président de l’Unof. À MG France, on rappelle que la revalorisation des actes est un combat débuté en 2002 avec la revalorisation d’actes pédiatriques... et qui doit se poursuivre ! « On ne peut pas continuer à travailler comme cela avec un acte unique », assure Claude Leicher. Comme l’Unof, MG plaide pour une consultation longue au cabinet. « C’est quelque chose qui est déjà inscrit dans la convention, qui pourrait être équivalent à la Visite Longue, mais pour un acte qui se ferait au cabinet, avec un contenu différent, mais qui pourrait s’inscrire dans le processus du VAlzheimer », propose le président de MG France.
Au menu des tarifications qui font couler beaucoup d’entre, celles qui s’effectuent en Ehpad posent aussi problème. « Même le directeur de l’Assurance-maladie, Frédéric Van Roekeghem, estime que cette rémunération n’est pas logique par rapport à tout ce que fait le médecin lorsqu’il se déplace dans ce type d’établissement », raconte le président de l’Unof. Actuellement, la réglementation prévoit que le médecin généraliste qui se déplace en Ehpad puisse facturer V + MD uniquement sa première visite dans l’établissement. pas logique pour les syndicats, qui soulignent que ces visites sont plus complexes et plus longues parce qu’elles nécessitent un travail de gestion et de coordination avec le reste de l’équipe supplémentaire qui n’est finalement pas rémunéré. « Notre revendication c’est d’avoir un acte spécifique pour la maison de retraite, parce que quand vous arrivez dans ces établissements, il faut aller chercher l’infirmière, courir après le dossier, etc. Tout cela demande du temps et de l’énergie. Il faut à un moment donné se poser la question du contenu de l’acte du médecin généraliste en maison de retraite », conclut Michel Combier.
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