Parce que le nombre de cancers de la peau double pratiquement tous les 10 ans, le dernier BEH prend des allures de réquisitoire. Entièrement consacré aux UV artificiels, ce numéro thématique revient sur les risques que font courir ces pratiques et dénoncent les faux bénéfices santé qui leur sont attribués.
Selon les données colligées dans ce numéro thématique, « plus de 13 % de l’ensemble de la population française âgée de 15 à 75 ans, soit environ 6 millions de personnes, ont déjà eu recours au moins une fois dans leur vie aux UV artificiels pour bronzer ». Cet usage est plus répandu chez les femmes « presque trois fois plus nombreuses que les hommes à s’être déjà exposées » et parmi les jeunes, avec un pic entre 35 et 44 ans. La pratique du bronzage en cabine est aussi associée au niveau économique des individus et augmente avec les revenus.
Des idées fausses bien ancrées
Fait notable, parmi ces utilisateurs, seulement 60 % s’estiment bien informés sur les risques de cancer liés aux cabines UV. Surtout, près de la moitié considèrent qu’un passage sous les lampes solaires « permet de préparer sa peau pour se protéger des coups de soleil ».
À tort, comme le souligne Julie Gaillot-de Saintignon (INCa) qui démonte les uns après les autres les bénéfices santé présumés de ces pratiques. « Contrairement aux mécanismes biologiques qui découlent d’une exposition aux UV naturels, lors d’une exposition aux UV artificiels, la pigmentation de la peau n’est pas associée à un épaississement de l’épiderme. Or, cet épaississement physiologique constitue une protection pour les expositions futures aux rayonnements UV. La pigmentation acquise en cabine ne représente donc pas une protection efficace vis-à-vis des expositions ultérieures. »
Contrairement à ce qui a pu être avancé, l’exposition aux UV artificiels n’a pas non plus d’intérêt en cas d’insuffisance en vitamine D. « Quelques études biologiques, réalisées sur un faible échantillon de volontaires, montrent une augmentation du taux de vitamine D après des expositions répétées aux lampes de bronzage, reconnaît Julie Gaillot-de Saintignon. Toutefois, étant donné le potentiel cancérogène avéré des UV artificiels et la possibilité d’apport en vitamine D par voie orale, l’utilisation de cabines UV pour
couvrir les besoins physiologiques en vitamine D pour la population générale ne peut se justifier. » Ce d’autant, que lors d’une exposition au soleil, la production de vitamine D par l’organisme atteint très rapidement un plateau. « Ainsi, les expositions prolongées (comme celle reproduite en cabine, Ndlr) n’augmentent pas davantage le taux de vitamine D mais provoquent une augmentation linéaire des dommages à l’ADN dans le noyau des cellules de la peau. »
Concernant un éventuel impact positif sur la dépression saisonnière, là encore l’argument ne tient pas puisque celle-ci « relève exclusivement de la lumière visible ». Enfin, si certains articles récents ont suggéré un effet favorable des UV sur l’incidence de certains cancers non cutanés (sein, côlon, prostate), « à ce jour, les rares études épidémiologiques disponibles ne permettent de démontrer cet effet qu’avec un niveau de preuve limité » et de nombreux biais méthodologiques.
Même les UVA sont délétères
Autre idée reçue battue en brèche dans le BEH : l’innocuité des UVA. Longtemps considérés comme relativement inoffensifs, ces rayons – qui constituent le gros de ceux délivrés par les lampes solaires – ont certes un potentiel érythémal faible, mais « des données récentes montrent que certaines altérations de l’ADN des cellules de la peau, à l’origine des tumeurs malignes cutanées, peuvent également survenir lors d’une exposition aux UVA ». Au total, «?une séance dans une cabine de bronzage UV en France correspond à une exposition de même durée au soleil de midi sur une plage des Caraïbes sans protection solaire ». Fort de ces nouvelles preuves, le Circ a d’ailleurs classé les UVA et les UV artificiels comme cancérogènes certains pour l’homme au même titre que les UVB.
Dans ce contexte « le corps médical ne peut que tirer la sonnette d'alarme en rappelant qu'il n'y a aucun bénéfice pour la santé à s'exposer aux UV artificiels. En revanche, les dangers sont bien réels », résument les Prs Jean Civatte et Jacques Bazex qui signent l’éditorial du BEH. Et de plaider pour une « politique d'interdiction progressive telle que l'ont décidé le Brésil et l'Etat de Nouvelle-Galles du Sud en Australie ».
Si rien ne change, en effet, plus de 2?000 décès attribuables aux cabines de bronzage pourraient être déplorés d’ici à 30 ans…
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