EN MATIÈRE DE visiteurs médicaux, on connaissait déjà ceux employés par les laboratoires pharmaceutiques (VM). L'assurance- maladie emploie pour sa part des « DAM » (délégués de l'assurance-maladie). Actuellement au nombre de 950, ils devraient être 1 400 d'ici à la fin 2009, et sont chargés de diffuser auprès des médecins la bonne parole de l'assurance-maladie en matière de bon usage du médicament.
Mais, depuis quelques années, l'URML (union régionale des médecins libéraux) du Nord - Pas-de-Calais salarie cinq « attachés d'information en santé publique ». Ces attachés d'information, tous titulaires d'un diplôme de visiteur médical, vont à la rencontre des professionnels de santé de la région et les informent des actions de santé publique menées par l'URML.
A l'union Nord - Pas-de-Calais, Caroline de Pauw est responsable du pôle de santé publique et, à ce titre, elle supervise l'action de ces attachés d'information. «Il est bien clair qu'ils ne sont pas là pour diffuser les messages de l'assurance-maladie», indique-t-elle au « Quotidien ». «Par exemple, ajoute-t-elle, les DAM diffusent actuellement des messages sur le cancer du sein dans notre région; nous ne nous ne relayons pas ce message. Il ne faut pas qu'il y ait confusion chez les médecins entre notre action et celle de l'assurance-maladie.»
Concrètement, un comité de pilotage de ces visiteurs du troisième type a été mis en place par l'URML. Tous les ans, ce comité prend contact avec les associations et les réseaux de la région, afin qu'ils indiquent à l'URML quelles actions ils ont entreprises et celles qui leur semblent mériter d'être soutenues. «En 2007, ajoute Caroline de Pauw, nous avons ainsi diffusé aux médecins des messages sur les effets de l'alcoolisation foetale, en les informant qu'il existe des réseaux périnatalité qui peuvent les aider et auxquels ils peuvent éventuellement adhérer. Les attachés d'information peuvent aussi inviter les médecins à s'inscrire à tel ou tel sujet en FMC.» En 2007, l'URML a aussi diffusé des messages sur l'obésité de l'enfant et sur le dépistage du diabète. Et quand le thème abordé le permet, les attachés d'information se rendent également chez d'autres professionnels de santé concernés, comme les kinésithérapeutes, les sages-femmes ou encore les pharmaciens.
En 2008, les attachés d'information vont communiquer sur le cancer colo-rectal et expliquer notamment aux médecins qu'il existe une ligne téléphonique dont ils peuvent donner le numéro à leurs patients atteints, grâce à laquelle ils obtiendront des renseignements et des aides pour leur réinsertion. Ils vont aussi communiquer sur le cancer du col de l'utérus et insister auprès des médecins généralistes pour leur dire de se réapproprier le dépistage, indique encore Caroline de Pauw.
Si ces attachés d'information servent de relais à l'action de l'URML, ils n'en sont pas moins largement subventionnés par l'URCAM Nord -Pas-de-Calais. Selon le Dr Jean-Marc Rehby, président de l'URML, «sur un budget annuel qui oscille entre 200000 et 250000euros, 180000 sont pris en charge par l'URCAM», qui fait ainsi partie du comité de pilotage. Mais si l'URCAM a son mot à dire sur les thèmes retenus, indique-t-on à l'URML, elle n'intervient pas dans le contenu des messages.
123 visites mensuelles chacun.
Parmi ces cinq attachés d'information, Corinne Lefebvre est la coordinatrice. «Je ne suis pas leur supérieure hiérarchique, indique-t- elle d'entrée de jeu, je suis simplement la coordinatrice d'une équipe de 3femmes et 2hommes âgés de 28 à 42ans.» Titulaire d'une formation de préparatrice en pharmacie, d'un diplôme de diététicienne et d'un diplôme de visiteur médical, elle explique comment se déroulent ses missions : «Quand nous visitons un médecin sur le thème du syndrome d'alcoolisation foetale, par exemple, nous leur apportons des informations précises sur cette pathologie et sur son incidence dans la région. Car s'il s'agit d'un problème de santé publique connu, son ampleur l'est moins. On sent très vite si le médecin est réceptif ou non. Nous échangeons sur ses pratiques, à la lumière de l'expérience que nous connaissons de leurs confrères. Les médecins s'évaluent un peu eux-mêmes à travers ces visites.» Corinne Lefebvre ajoute que ce type de rendez-vous est «bien pratique pour le médecin» car il lui est remis un dossier sur le thème abordé, si bien qu'il sait où orienter les patients après, si besoin est. Les attachés d'information font également remonter vers l'URML les difficultés que les médecins leur disent avoir rencontrées.
Quant à l'accueil que réservent les professionnels de santé visités à ces visiteurs, «il est en général très bon, bien meilleur que celui qu'ils réservent aux DAM, ajoute Corinne Lefebvre. Au début, ils nous confondent parfois un peu avec ces DAM, mais ils comprennent vite que nous ne sommes pas là pour critiquer leurs pratiques, mais pour les aider». Ces attachés d'information ne chôment pas : l'URML leur demande d'effecteur chacun 123 visites mensuelles. Certaines visites nécessitent parfois plus d'une heure de trajet et le temps moyen d'une visite tourne autour de 20 minutes (7-8 minutes pour les VM), si bien que leurs journées sont bien remplies, d'autant qu'ils doivent rédiger un rapport à chaque visite.
Côté médecins, le ton est à l'approbation. Le Dr Alain Bardoux, par exemple, «médecin de famille» à Maubeuge, estime que la démarche des attachés d'information n'a «rien à voir avec celle des DAM, qui n'ont qu'une démarche comptable, déconnectée des patients. Les attachés d'information de l'URML nous parlent de problèmes médicaux et nous apportent des informations sur des champs non couverts par les canaux habituels. Sur les troubles du langage chez l'enfant, par exemple, j'ai appris des choses». Le Dr Bardoux avoue ne pas comprendre «que ça ne fonctionne que dans sa région».
Quant au Dr Augustin Polaert, généraliste à Feignies, à part un petit bémol lié au «discours parfois un peu stéréotypé des attachés d'information», il en apprécie le principe : «Bien sûr que nous connaissons déjà les sujets qu'ils nous présentent, mais ils nous apportent toujours une information additionnelle sur des éléments précis, et leur discours est intéressant et bien préparé, axé sur notre pratique. Je suis preneur d'autres visites.»
A l'URCAM Nord - Pas-de-Calais, on semble très satisfait de cette opération. Pour Sylviane Strynckx, adjointe au directeur de l'URCAM, «nous finançons cette action parce qu'elle se situe dans le cadre de la qualité des soins et qu'il s'agit d'une démarche individualisée». D'autant que, pour certaines thématiques, comme le diabète, il est possible de cibler l'action sur des territoires précis «dans lesquels l'offre de soins spécialisée est peu présente. Nous incitons donc les généralistes à se réapproprier ces thématiques». Certes, l'opération est financée sur les fonds FAQSV (fonds d'aide à la qualité des soins de ville), ce qui empêche un financement pérenne. «Mais il n'y a pas d'inquiétude sur l'avenir, conclut Sylviane Strynckx, nous pouvons encore travailler dix ans ensemble, tant les thématiques sont nombreuses.»
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