Entre une suspension et une cessation de grève, il peut parfois y avoir de bien subtiles nuances. Pour preuve, les contorsions sémantiques auxquelles se livre depuis mardi l'AMUHF (Association des médecins urgentistes hospitaliers de France).
L'organisation s'est résolue à signer un accord avec l'ARHIF (Agence régionale de l'hospitalation d'Ile-de-France) et l'AP-HP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris), tout en affirmant que cet accord ne réglait pas grand-chose et en annonçant un possible nouveau mot d'ordre national pour le 11 juin - à cette date, le comité de suivi prévu par l'accord régional pour en contrôler la bonne application (« le Quotidien » d'hier) ne se sera même pas réuni. Quoi qu'il en soit, pour Patrick Pelloux, président de l'AMUHF, les choses sont claires : « En Ile-de-France, il ne s'agit pas d'une fin de grève, mais seulement d'une suspension (1) ; d'ailleurs, le mouvement se poursuit en province. »
En province justement, les choses ne paraissent pas beaucoup plus simples, et les situations ainsi que les jugements diffèrent singulièrement. Si l'Aquitaine, et plus généralement, les régions atlantiques suivent d'assez près le mouvement, le Nord - Pas-de-Calais et l'Est ne se sont pas sentis très impliqués dans la grève. Pour Patrick Goldstein, médecin anesthésiste et chef de service au SAMU régional de Lille, le conflit de l'Ile-de-France était « parfaitement légitime ». Ce médecin se déclare ravi pour les franciliens, même s'il redoute l'effet d'entraînement qui pourrait se produire : « Les budgets pour les créations de postes de médecins hospitaliers sont décidés au niveau national, et je me demande si on pourra accorder à toutes les régions ce qu'on a apporté à l'Ile-de-France. » Quant aux sous-effectifs dans sa région, Patrick Goldstein les reconnaît bien volontiers : dans le Nord - Pas-de-Calais, selon ses estimations, il manque environ de 120 à 150 postes de médecins urgentistes. « Seulement, ajoute-t-il, nous sommes en phase de négociation et de dialogue avec la FHF (Fédération hospitalière de France) , nous attendons un certain nombre de titularisations, et nous n'avons pas souhaité rompre le dialogue. »
Autre région, autre point de vue, en Aquitaine, le délégué régional de l'AMUHF, Arnaud Boudousse, ne voit quant à lui aucun autre moyen de pression que de continuer le mouvement de grève lancé dans cette région le 2 juin. « Nos revendications sont assez proches de celles qu'avait formulées l'Ile-de-France, explique Arnaud Boudousse, elles portent tout à la fois sur les effectifs, les statuts précaires, et sur l'application de la directive sur les rythmes de travail hebdomadaire ; mais le problème c'est que nous n'avons commencé la grève que le 2 juin, soit plus d'un mois après l'Ile-de-France, sans doute nous faudra-t-il encore un mois pour voir aboutir nos demandes. »
Une voie qui n'est pas celle suivie par le Nord : « Nous n'avons pas dit que nous faisions grève, nous n'avons pas dit non plus que nous ne faisions pas grève, explique sérieusement Patrick Goldstein ; le problème, c'est que s'il faut effectivement créer des postes, il manque les candidats. Nous n'allons pas brader ces postes avec des candidats mal qualifiés, et nous préférons qu'ils soient pourvus sur la durée, c'est-à-dire que de cinq à six ans seront nécessaires pour les pourvoir. » Mais le chef de service du SAMU de Lille, qui ne veut pas « tout, tout de suite, car ça ne marche pas », reconnaît que dans son service, les médecins urgentistes travaillent en moyenne soixante heures par semaine.
(1) La grève visait à obtenir davantage de moyens pour compenser les effets de l'application de l'accord de 2001 sur les 35 heures et l'entrée en vigueur en janvier 2003 d'une directive européenne limitant à 48 heures par semaine (gardes comprises) le travail des médecins.
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