Le SMUR de Toulon a-t-il manqué à ses devoirs ? A en croire les affirmations de l'Observatoire international des prisons, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Cet organisme dénonce, dans un communiqué daté du 7 juillet, « l'absence de médecin lors d'une intervention médicale urgente à la maison d'arrêt de Toulon » le samedi 28 juin.
L'infirmier envoyé à sa place se serait trouvé « démuni devant l'état de M. M. » qui serait décédé peu après son arrivée, n'ayant pu recevoir des soins adaptés à son cas - Monsieur M. se serait suicidé en ingérant des médicaments.
L'affaire risque de faire grand bruit, que les faits soient ou non confirmés. Car le SMUR de Toulon se trouve depuis quelques mois au cœur d'une polémique : sa décision de faire sortir depuis le 1er juin (« le Quotidien » du 14 avril) des véhicules paramédicalisés - avec un infirmier mais aucun médecin à bord - dans les situations les moins graves n'est pas du goût de tout le monde. SAMU de France a vivement critiqué cette initiative dès le mois d'avril, dénonçant par avance des risques de dérives graves. Commentaire de son président, le Dr Marc Giroud, qui, mardi, ignorait tout de l'histoire : « Je ne m'en étonne pas puisque le SMUR de Toulon déroge au règlement (un véhicule SMUR doit obligatoirement comporter un médecin à bord, NDLR) . Même s'il se confirme que les faits ne sont pas fondés, cela pose la question de la confiance dans le dispositif du SMUR paramédicalisé. »
Interrogé, le chef du SMUR de Toulon dément l'intégralité du contenu du communiqué de l'Observatoire international des prisons (OIP). « Que les choses soient bien claires : l'équipe SMUR qui s'est rendue à la prison ce soir-là était normale, il y avait un médecin mais pas d'infirmier. L'intervention s'est faite normalement, avec les moyens habituels », affirme avec force le Dr Jean-Jacques Arzalier, qui refuse de commenter les circonstances du décès du détenu, « secret médical oblige ».
Une enquête du procureur
Difficile d'en savoir plus auprès du procureur de la République, qui s'est pourtant rendu sur place dans la soirée du 28 juin : il ne se rappelle pas qui, des pompiers ou du SAMU, s'est déplacé. « Quand je suis arrivé à 21 heures, il n'y avait plus que le médecin légiste, les secours étaient partis, raconte Pierre Cazenave. J'ai trouvé le détenu sur un brancard recouvert d'un linceul, il était mort. On m'a montré des médicaments inconnus et une lettre où le détenu laissait ses affaires à un codétenu - deux éléments qui vont dans le sens d'un suicide, ce que doit confirmer l'autopsie en cours. L'alerte avait été donnée vers 19 h 30 par les surveillants pendant que l'infirmier pénitentiaire portait les premiers secours au détenu secoué de spasmes. Sans succès. J'ai constaté que le personnel pénitentiaire a bien fait son travail. Mais j'ignorais la polémique médicale. »
Le procureur compte enquêter pour connaître la composition de l'équipe du SMUR. Une information qu'ignore totalement le directeur de la maison d'arrêt de Toulon, Jean-Philippe Mayol : « Je ne peux pas dire s'il y avait un médecin sur place ce samedi-là. On a fait appel au 15 qui, comme d'habitude, nous a envoyé une équipe de soignants. Mais à leur entrée, on ne prend pas l'identité des personnels qui interviennent. Ça me paraît tellement évident qu'un médecin se déplace que je ne pose pas la question. »
Le chef du SMUR de Toulon se dit à la fois surpris et choqué par la lourdeur des accusations qui pèsent sur son service. Car l'OIP va encore plus loin. D'après un de ses membres, l'envoi de véhicules SMUR paramédicalisés à la prison de Toulon serait une pratique quasi systématique, quelle que soit la gravité du cas, et ce depuis plusieurs mois. Un reproche qui fait sortir le Dr Arzalier de ses gonds : « J'ai sous les yeux les documents qui prouvent que dans chacune des sept interventions réalisées depuis le 1er janvier 2003 par le SMUR de Toulon dans l'établissement pénitentiaire de notre secteur - dont celle du 28 juin -, il y avait un médecin à bord du véhicule », se défend-il. Pour le praticien, la propagation de cette fausse information signe « une volonté délibérée de nuire ». « Le ministère de la Santé m'a directement contacté hier pour que je m'explique, c'est aberrant », poursuit-il.
C'est ces jours-ci que la direction du centre hospitalier de Toulon doit rendre à l'agence régionale de l'hospitalisation un rapport préliminaire sur l'expérimentation de son véhicule SMUR paramédicalisé. L'occasion de faire, peut-être, la lumière sur cette affaire.
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