La direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques (DREES) du ministère de la Santé vient de rendre publics les premiers résultats d'une étude nationale consacrée aux « Usagers des urgences » (1). Deux cent quarante mille patients ont été passés à la loupe dans 150 services en janvier 2002, au cours d'une semaine d'enquête, et cet échantillon apporte des information sur les différentes populations fréquentant les urgences, sur leurs modes d'accès, les motifs pour lesquels elles consultent et les soins qu'elles reçoivent.
La clientèle des urgences est plus jeune que l'ensemble de la population : un quart des patients ont moins de 15 ans, 43 % moins de 25 ans. Les personnes âgées de plus de 70 ans ne représentent que 14 % du total. Toutefois, si l'on rapporte la répartition par âge des usagers des urgences à la structure de l'ensemble de la population, on constate que les nourrissons de moins de 1 an sont proportionnellement quinze fois plus nombreux que l'ensemble des autres classes d'âge dans la clientèle des urgences. Et si l'on s'intéresse au pourcentage d'une classe d'âge ayant fréquenté les urgences dans l'année, il apparaît que les nourrissons sont ceux d'entre les Français qui affichent le taux de recours le plus élevé : ils vont dix fois plus aux urgences que les enfants de 1 à 5 ans. Derrière ces très petits bébés viennent les personnes âgées de 80 ans et plus. A l'opposé, les 51-70 ans affichent le taux de recours aux urgences le plus faible de la population.
Plus d'hommes que de femmes
Une curiosité : les usagers des services d'urgence sont plus souvent des hommes que des femmes. C'est valable pour toutes les tranches d'âge, et particulièrement chez les 1-5 ans (55 % sont de sexe masculin) et chez les 16-50 ans (57 %).
Quand les patients se présentent-ils à la porte des urgences ? Tout le temps, bien sûr, et autant la semaine que le week-end. Seul moment où la fréquentation baisse nettement : la nuit. Le rythme des arrivées, lié à la vie active, varie au fil de la journée. L'étude note qu' « elles augmentent rapidement à partir de 7 heures pour atteindre leur maximum entre 10 et 11 heures, puis diminuent un peu pendant la pause déjeuner pour connaître une nouvelle hausse à 14 heures. Au cours de l'après-midi, le flux se réduit progressivement, avec un palier entre 16 et 18 heures. Une remontée s'observe autour de minuit, puis, à partir de 1 heure du matin, le rythme est au plus bas et stagne jusqu'à 7 heures. »
Les trois quarts des patients décident seuls d'aller aux urgences
Près des trois quarts des patients arrivent directement aux urgences, sans contact médical préalable même par téléphone, et par leurs propres moyens. Ce mode d'arrivée directe concerne au moins 80 % des patients avant 50 ans. Au-delà de cet âge, sa fréquence diminue. Tant et si bien que, après 80 ans, plus des deux tiers des patients ont bénéficié, pour franchir le seuil des urgences, d'une orientation médicale préalable. Un gros quart seulement des patients n'arrive pas aux urgences par ses propres moyens : les malades sont alors conduits par une ambulance (14 %), par les pompiers ou le SMUR (14 %), ou bien par police secours (3 %).
Si la présence d'un accompagnant est presque systématique chez les moins de 15 ans, elle diminue régulièrement avec l'âge : passé 70 ans, plus de un patient sur deux arrive tout seul aux urgences.
Avec de fortes différences selon l'âge des patients, traumatismes et problèmes somatiques sont à parts égales (48 %) à l'origine du recours aux urgences. Les troubles psychiatriques existent dans 2,5 % des cas. Plusieurs de ces motifs sont associés 1,5 fois sur 100. Autant que la DREES a pu en juger (un tiers seulement de son échantillon lui a donné ce type d'information), 26 % des passages aux urgences sont liés à un accident domestique, 19 % à un accident du travail, 15 % à un accident du sport, 11 % à un accident de la circulation, 9 % à un accident scolaire et 6 % à un accident survenu sur la voie publique (une chute, par exemple).
Pronostic vital menacé 2,4 fois sur 100
L'étude confirme par ailleurs la place importante de la « bobologie » aux urgences. Elle se fonde sur l'échelle de la classification clinique des malades des urgences (CCMU) pour déterminer que les trois quarts des patients vus aux urgences sont dans un état clinique stable ne nécessitant pas de transfert vers un autre service hospitalier. Onze pour cent sont dans un état susceptible de s'aggraver au service d'urgence sans mise en jeu du pronostic vital. Pour 2,4 % des malades, le pronostic vital est menacé, ce qui nécessite, dans 0,4 % des cas, des manuvres de réanimation.
Au total, près des trois quarts des patients reçoivent au moins un acte diagnostique (la moitié d'entre eux bénéficient d'une radio) ou des soins aux urgences (43 % en ont au moins deux). Cette proportion est beaucoup plus faible chez les nourrissons (40 %) que chez les plus de 70 ans (90 %). Si l'on isole les gestes thérapeutiques, on constate que, dans les deux tiers des cas, aucun geste n'est réalisé sur place. Au terme de son passage aux urgences, un patient sur cinq seulement est hospitalisé. Ce taux d'hospitalisation augmente avec l'âge des malades : la moyenne d'âge des patients hospitalisés après leur prise en charge par l'équipe des urgences est de 53 ans, alors que la moyenne d'âge de ceux qui rentrent chez eux est de 31 ans. Plus de un patient sur deux parmi les 71-80 ans a besoin d'être hospitalisé après son passage aux urgences.
Du nourrisson aux plus de 70 ans, la DREES dessine deux profils très typés du mode d'utilisation des services d'urgence. « Les nourrissons, gros consommateurs de consultations non programmées l'après-midi et en fin de soirée, sont amenés par leurs parents, majoritairement en fin de soirée ; et ce pour des problèmes somatiques le plus souvent bénins qui font peu appel à des examens complémentaires (un sur cinq seulement a une radio), puis ils repartent à leur domicile. Les parents, confrontés à la survenue d'un problème de santé inopiné chez leur bébé, semblent utiliser les services d'urgence comme une porte d'accès à une consultation médicale de pédiatrie », analysent les auteurs de l'enquête. Pour les personnes âgées, le cas de figure est très différent : « Tout se passe dans ce cas comme si les urgences jouaient le rôle de porte d'entrée pour une hospitalisation non programmée. »
(1) Par Valérie Carrasco et Dominique Baubeau, « Etudes et Résultats », n° 212, janvier 2003, DREES.
2 h 43 d'attente pour être hospitalisé
Alors que la question de l'indisponibilité des lits d'aval dans les services « classiques » de l'hôpital fait couler beaucoup d'encre, la DREES mesure le temps que ce problème fait perdre aux équipes des services d'urgence. Selon son enquête, en effet, 2 h 43 s'écoulent en moyenne entre le moment où la décision est prise aux urgences d'hospitaliser un malade et celui où un lit est effectivement disponible (près de 10 % des patients attendent plus de 6 heures leur admission effective dans une unité d'hospitalisation).
Ce délai de transfert varie avec l'âge des patients, passant de moins d'une heure pour les 0-10 ans à plus de trois heures et demie chez les plus de 70 ans. L'attente est plus longue pour les patients arrivés aux urgences le matin que pour ceux qui s'y présentent l'après-midi. Elle s'allonge également avec le volume d'activité de l'unité recevant les malades : plus le service d'urgence est important et plus longtemps les patients y attendent un lit. Enfin, pour une catégorie de malades, la « chasse » aux lits prend des allures de parcours du combattant : les patients de plus de 80 ans doivent attendre 5 h 20 pour être transférés en moyen séjour, 6 h 40 pour être transférés en long séjour si celui-ci est au sein de l'établissement, 13 h 30 s'il est à l'extérieur.
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