«CE N’EST PAS qu’un problème sanitaire, éthique et moral, c’est un grand problème de politique internationale», a affirmé Philippe Douste-Blazy lors du lancement en France de la campagne de sensibilisation grand public au projet de Facilité internationale d’achats de médicaments (Unitaid/Fiam). La grande pauvreté et l’accès aux médicaments pour tous sont désormais un sujet politique. Et c’est au Quai d’Orsay, en présence d’un parterre prestigieux, que le ministre a rappelé que le temps était révolu où les maladies s’arrêtaient à un continent, laissant son auditoire méditer sur cette formule choc : «Si nous parlons de droit de l’homme, la question est de savoir si un garçon ou une fille en Afrique a la même valeur que le ou (la) nôtre.»
Malades sans frontières.
La facilité internationale est un outil innovant destiné à mettre fin à l’injustice mondiale : «A l’heure où nous nous préoccupons des problèmes liés au vieillissement, l’espérance de vie a diminué dans certains pays d’Afrique de dixans en dix ans», a souligné pour sa part le ministre de la Santé, Xavier Bertand.
Un consensus que semblent partager les représentants des associations, de l’industrie pharmaceutique et des médias présents pour l’événement. «Les choses peuvent aller mieux parfois», a même affirmé Bernard Kouchner, présent au nom du Gip/Esther. La vieille querelle entre l’humanitaire et le politique semble s’être apaisée pour quelque temps, mais «il aura fallu quarante ans pour qu’après Médecins sans frontières on reconnaisse sous les lambris du ministère que les malades sont sans frontières».
Même Bill Clinton a tenu, au nom de sa fondation, à être présent : «C’est une initiative audacieuse, a-t-il déclaré dans un message vidéo . Nous pouvons désormais tous ensemble sauver de nombreuses vies.»
L’idée d’une contribution de solidarité internationale sur les billets d’avion, lancée par le président français, Jacques Chirac, et celui du Brésil, Luiz Inàcio Lula da Silva, et adoptée à l’occasion de la Conférence de Paris en février-mars 2006, est désormais partagée par une quarantaine de pays et de nombreux partenaires (organisations internationales, organisations non gouvernementales, fondations privées). Elle doit être mise en oeuvre, dans un premier temps, par quatorze pays (Brésil, Chili, Chypre, Congo, Côte d’Ivoire, France, Gabon, Jordanie, Luxembourg, Madagascar, Maurice, Nicaragua, Norvège et Royaume-Uni). Mais la France est le premier pays à avoir adopté une loi, approuvée par le Parlement en septembre 2005, et qui entrera en vigueur le 1er juillet 2006. La taxe devrait permettre de récolter environ 200 millions d’euros chaque année en France seulement. Certain pays qui n’ont pas adopté la taxe sur les billets d’avion contribueront au financement d’Unitaid au moyen d’une aide budgétaire pluriannuelle.
L’ONU a officiellement adopté le projet lors de la Conférence sur le sida qui s’est tenue à New York la semaine dernière (« le Quotidien » des 1er et 7 juin). Une campagne mondiale a été lancée afin de sensibiliser le grand public avec l’appui de la Fédération internationale de football. En France, elle a reçu le soutien de TF1, de la fondation NRJ, qui met ses radios et sa chaîne de télé à la disposition d’Unitaid (NRJ, Chérie FM, Nostalgie, Rire et Chansons) et du groupe Hachette Filipacchi pour la presse écrite. Des personnalités du monde du sport et de la culture ont participé à un spot TV qui sera diffusé à partir d’aujourd’hui.
Les trois premiers opérateurs français de téléphonie mobile, Orange, SFR, Bouygues Telecom, se sont unis pour mettre en place un numéro unique qui permettra à chaque citoyen de se signaler. Il s’agit d’être tous unis pour aider une «démarche citoyenne mondiale» qui ne demande aucun engagement financier. A chaque SMS, le nom de celui qui l’a envoyé apparaît sur le site Internet de Unitaid (www.unitaid.eu). Grâce à l’Association des grandes villes de France, présidée par Jean-Marie Bockel, les noms seront projetés sur les grandes places ou monuments des villes participantes. Le 14 juillet, les villes afficheront le mot Unitaid à la fin du feu d’artifice.
Finale France/Brésil.
Mais la grande affaire sera, bien entendu, la Coupe du monde de football. Avant chaque match, un ballon aux couleurs d’Unitaid sera échangé entre les capitaines. L’équipe du Brésil jouera avec un ruban rouge (symbole d’Unitaid). C’est le ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative, Jean-François Lamour, qui a lui-même remis le ruban au capitaine de l’équipe de France lors du dernier match amical de préparation à Saint-Etienne contre la Chine. Il ne reste plus qu’à attendre une finale France-Brésil pour que les couleurs d’Unitaid soient présentes jusqu’au bout. Samuel Eto’o, l’attaquant du FC Barcelone, ne participera pas à la Coupe du monde avec son équipe nationale, le Cameroun, mais était bien à Paris. Connu pour ses prises de position – en février dernier, il a menacé de quitter le terrain lors d’un match contre Saragosse au cours duquel les supporters proféraient des insultes racistes –, il considère le projet Unitaid comme un premier pas de l’Afrique vers le développement mais adresse aux siens un message : «C’est bien de recevoir de l’aide, mais savoir s’en servir, c’est encore mieux.»
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