ENCLAVEE entre la Manche, l’Ille-et-Vilaine, le Maine-et-Loire et la Sarthe, la Mayenne est un département rural dont la démographie médicale est vacillante (à peine 70 généralistes pour 100 000 habitants).
Malgré cette situation délicate, l’organisation « permanence des soins » est en passe de devenir un modèle national, même si le Dr Duquesnel, secrétaire de l’Association départementale de l’organisation de la permanence des soins (Adops), prend la peine de préciser qu’un tel modèle «n’est pas transposable tel quel dans un autre département».
Ce nouveau dispositif aura cependant nécessité quatre années de tâtonnements, de grèves des gardes, de négociations avec les différentes autorités pour voir le jour. Elle repose sur une nouvelle sectorisation, la mise en place d’une régulation libérale et un rôle central confié à l’Adops, en accord avec le conseil départemental de l’Ordre des médecins.
La sectorisation de la Mayenne a considérablement évolué avec le temps. Tout d’abord constituée de trente-deux secteurs en 2001, l’organisation est passée à huit secteurs de garde, «centrés pour quatre d’entre eux sur un hôpital local avec une maison médicale de garde (MMG) au sein de chacun de ces hôpitaux», explique Luc Duquesnel. Les quatre autres secteurs étant adossés pour leur part à un centre hospitalier abritant également une MMG dans son enceinte. Sur chacun de ces huit secteurs, officie un médecin de garde et un médecin d’astreinte. Ce dernier n’intervenant qu’en cas de défaillance du médecin de garde.
Régulation depuis le domicile.
Côté régulation libérale, un numéro de téléphone à 10 chiffres, distinct du 15, a été mis en place. Un système informatique spécifique couplé à Internet permet aux régulateurs libéraux d’effectuer leur travail aussi bien depuis le Centre 15 que chez eux. Ce système désigne automatiquement le médecin le plus proche du patient et permet de donner des rendez-vous aux patients tout en informant par SMS le médecin de garde. «La possibilité de réguler depuis son domicile était une condition nécessaire à la mise en place d’une régulation libérale dans un département rural ayant une démographie médicale très déficitaire, précise à ce sujet Luc Duquesnel . Grâce à ce système, 25% des généralistes se sont portés volontaires pour la régulation, qui couvre toutes la période de PDS, y compris la période minuit-8heures.» De plus, grâce à un accord passé entre le Conseil de l’Ordre des médecins, le Conseil de l’Ordre des pharmaciens, l’Adops, la Ddass (Direction départementale de l’action sanitaire et sociale) et la Cpam (caisse primaire d’assurance-maladie) les médecins régulateurs libéraux peuvent faxer des ordonnances au pharmacien de garde. Le patient peut aller directement retirer ses médicaments à la pharmacie et se faire rembourser dans les conditions habituelles.
Côté organisation des gardes, chaque médecin peut, à sa guise, assurer sa permanence depuis son cabinet, ou au sein de la MMG. La période de nuit profonde, de minuit à 8 heures, est assurée par les libéraux dans les secteurs adossés aux hôpitaux locaux, ce qui fait dire à Luc Duquesnel que «cette contrainte n’est rendue acceptable que grâce à la qualité de la régulation libérale. Entre minuit et 8heures, moins de 5% des appels font l’objet d’une consultation des médecins de garde». Quant aux quatre autres secteurs, c’est le service public qui y assure la PDS entre minuit et 8 heures. Les médecins de garde perçoivent directement de l’Adops, qui mutualise les ressources financières, une astreinte de 300 euros par période de 12 heures.
Un coût de fonctionnement très raisonnable.
Quant à l’Adops elle-même, elle joue un rôle éminemment central dans le dispositif depuis qu’un arrêté préfectoral lui a confié «l’organisation et la coordination de la PDS sur tout le département». Hébergée par le conseil départemental de l’Ordre des médecins, elle se substitue à lui pour la gestion des tableaux de garde sur un site Internet, et gère également la formation des médecins régulateurs, ainsi que la rémunération des médecins effecteurs.
L’Adops a reçu de la Drdr (dotation régionale de développement des réseaux de santé), du Faqsv (fonds d’aide à la qualité des soins de ville), et du conseil général, l’argent nécessaire aux divers frais d’investissement initiaux. Les coûts de fonctionnement sont, quant à eux, modiques, puisqu’ils se montent à 117 000 euros par an pour l’informatique, le fonctionnement des quatre MMG et celui de l’Adops et de ses deux salariés.
Pour Luc Duquesnel, cette organisation a permis «la survie des hôpitaux locaux, la mise en place d’une régulation performante effectuée au domicile des régulateurs, un doublement du montant de l’astreinte versé aux médecins effecteurs, et une hausse du volontariat».
Mais le secrétaire de l’Adops souligne qu’une telle organisation a supposé «une adhésion et une mobilisation massives des médecins au projet départemental afin de le faire accepter par les autorités. Il fallait aussi un soutien sans faille de l’ordre départemental des médecins, de l’Urml (Union régionale des médecins libéraux) , de la Ddass, de la Cpam et de l’Urcam (Union régionale des caisses d’assurance-maladie) et, enfin, une collaboration étroite entre médecins libéraux et hospitaliers».
Mais surtout, reprenant en cela le leitmotiv de tous les médecins impliqués dans la PDS, Luc Duquesnel souligne qu’ «une bonne organisation départementale est une première étape pour attirer de nouveaux médecins généralistes dans les zones sous-médicalisées».
L’impatience de l’Ordre national
Le 5 mai, Xavier Bertrand réunissait tous les acteurs de la PDS, histoire de faire avancer ce chantier et d’arrondir les angles sur les dossiers sensibles. Une réunion qui, de l’avis de tous les participants, avait notamment permis de rétablir le contact entre libéraux et hospitaliers. Des promesses avaient par ailleurs été faites par le ministre, concernant notamment la création du Conamups (Comité national de l’aide médicale urgente et de la permanence des soins), pendant national des comités départementaux déjà existants.
Le ministre de la Santé avait de plus promis la publication imminente d’un décret autorisant les préfets, «s’ils le jugent nécessaire», à étendre au samedi après-midi la période de la PDS. Le ministre avait promis un autre décret, autorisant les mêmes préfets à confier à l’hôpital, toujours s’ils le jugent nécessaire, les actes de PDS durant les heures de nuit profonde (minuit-8 heures). Quant à la régulation, le ministre de la Santé avait fait part de son intention de généraliser à tous les départements la participation des médecins libéraux à la régulation. Enfin, une grande campagne d’information à destination du grand public sur le bon usage du 15 avait été promise pour la fin de l’année.
Mais quatre mois après cette réunion, le Conseil national de l’Ordre des médecins constate qu’il ne s’est pas passé grand-chose en la matière. Certes, reconnaît le Dr André Deseur, président de la commission de la PDS et de l’AMU (aide médicale urgente) du Cnom, et vice-président de la section Exercice professionnel, «le ministre de la Santé nous a remis récemment le projet de décret relatif à l’organisation des horaires de la PDS le samedi après-midi. Il nous convient, même si nous aurions préféré que le samedi après-midi commence dès 12heures et non à 14heures. Mais à part ça, nous n’avons rien vu venir et nous n’avons pas d’explication à cette lenteur».
Plus généralement, le Dr Deseur reconnaît que cette protestation de l’Ordre est également motivée par le fait qu’ «il est important que les médecins n’aient pas le sentiment qu’en matière de PDS le Cnom pourrait être un frein».
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