CHAQUE ANNÉE, le service d'ophtalmologie de l'institut Curie, dirigé par le Dr Laurence Desjardins, prend en charge 300 nouveaux patients chez lesquels un mélanome de l'oeil vient d'être diagnostiqué. Tout doit alors être mis en place pour leur donner les meilleures chances de conserver leur oeil et réduire le risque de récidive et de métastases.
Le mélanome de l'oeil est le cancer oculaire le plus fréquent chez l'adulte. De 500 à 600 cas sont diagnostiqués chaque année en France. La maladie survient principalement chez des sujets de 50 à 70 ans, et plus souvent chez des personnes aux yeux bleus, verts ou gris que chez celles qui ont les yeux bruns (augmentation du risque par un facteur 2 à 3).
Le mélanome de l'oeil se développe à l'intérieur du globe oculaire et reste donc longtemps invisible. Il implique des mélanocytes situés dans les couches profondes de l'uvée (constituées par l'iris, le corps ciliaire et la choroïde). Dans 80 % des cas, les cellules tumorales sont localisées au niveau de la choroïde.
Souvent diagnostiqué au cours d'un examen ophtalmologique de routine, la tumeur peut cependant être suspectée chez des patients qui présentent des lésions pigmentaires bénignes ou des symptômes visuels, tels qu'une baisse d'acuité, la perception d'une tache dans le champ visuel ou celle de flashs qui se répètent au même endroit et sur le même oeil.
La prise en charge des patients est individualisée et la préservation de leur vue est la préoccupation majeure des équipes médicales. Trois types de traitement conservateur sont actuellement disponibles : la chirurgie, la protonthérapie et la curiethérapie. La protonthérapie permet une intervention très précise, conduisant à la conservation du globe oculaire et à la préservation de la vue dans 90 % des cas.
La seconde préoccupation des médecins concerne le risque de récidive. Des métastases sont décelées chez 30 à 50 % des patients dans les dix à vingt ans qui suivent le diagnostic. L'uvée ne possédant pas de système lymphatique, les cellules tumorales se propagent par voie sanguine, essentiellement en direction du foie. Des métastases se développent plus rarement au niveau des os, de la peau ou des poumons.
Recherche de marqueurs moléculaires.
A l'institut Curie, le département de transfert associe cliniciens à chercheurs dans un projet visant à identifier des marqueurs moléculaires prédisant le risque métastatique. L'analyse de biopsies tumorales, primaires et métastatiques a, par exemple, conduit l'équipe du Dr Jérôme Couturier à découvrir un remaniement chromosomique associé à un mauvais pronostique (perte complète ou partielle du chromosome 3, fréquemment associée à un gain du bras long du chromosome 8). D'autres signatures moléculaires encore plus spécifiques sont actuellement recherchées.
L'équipe d'Olivier Lantz s'attache, quant à elle, à la recherche et à l'étude des cellules tumorales circulant dans l'organisme. Les chercheurs espèrent parvenir à différencier parmi ces cellules celles qui conduiront à la formation de métastases de celles qui resteront inoffensives.
Essai d'immunothérapie.
La recherche thérapeutique n'est pas en reste : un protocole d'immunothérapie est en cours d'évaluation, sous la responsabilité des Drs Sophie Piperno-Neumann et Thierry Dorval, médecins du département d'oncologie médicale dirigé par le Dr Laurent Mignot. La stratégie thérapeutique testée se fond sur l'injection d'un antigène exprimé dans 100 % des mélanomes de l'oeil, le peptide NA17. L'essai implique des patients atteints d'un mélanome déjà métastatique, ne pouvant être opérés et qui n'ont pas reçu de chimiothérapie. Les résultats seront connus dans les mois prochains.
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