IL N’Y A PAS quarante mille manières de mettre en scène « L’Amante anglaise », peut-être la plus célèbre des pièces de Marguerite Duras, et typique de sa manière. Marie-Louise Bischofberger le sait, qui s’appuie ici sur un trio de comédiens rares qui, par leur seule présence, donnent une couleur nouvelle à l’histoire étrange de Claire Lannes (Ludmila Mikaël), son mari (Ariel Garcia-Valdès), « l’interrogateur » (André Wilms).
C’est, ainsi que le souhaitait l’auteur, devant le rideau de fer que se joue la pièce, construite en deux parties égales de quarante-cinq minutes : le mari, puis la femme sont tour à tour questionnés. On est du côté de la classique exposition, du récit dans le premier mouvement ; on est face à l’énigme qu’est à elle-même celle qui a tué, dans le deuxième mouvement. Avec ce supplément qui n’est pas rien : Claire Lannes est une joueuse et même une enjôleuse dans cette version. Elle joue avec l’homme qui est en face d’elle, cet « interrogateur » à qui elle pose des questions. Elle joue avec ses propres vérités.
Évidemment, il n’y a pas une seule vérité dans « L’Amante anglaise ». Duras ne recopie pas le réel. Un article de Jean-Marc Théolleyre, chronique judiciaire du « Monde », en 1949, l’avait frappée. Amélie Rabiolloud avait tué son mari, dépecé le cadavre, dispersé les morceaux dans les égouts et les terrains vagues de Savigny-sur-Orge. Duras composa une pièce de théâtre (« Les Viaducs de Seine-et-Oise », 1959), un roman (« L’Amante anglaise », 1967), une pièce à nouveau en 1968, qui fut créée par Madeleine Renaud et jouée par Catherine Sellers, Suzanne Flon, notamment.
Des projections de films, images de gares, de trains (Caroline Champetier) déchirent le huis clos des deux face-à-face. André Wilms, l’interrogateur, fasciné comme le veut l’auteur, est parfait, dans la tension, le découragement parfois ; Ariel Garcia-Valdès, le mari, assis sur une chaise, racontant, sans haine, sa vie avec sa femme et cette vieille cousine qu’elle a tué, impose une partition très fine, toute en nuances. Ludmila Mikaël, belle et inquiétante Claire, au bord de la rupture, cherchant elle-même l’impossible « pourquoi » de son acte, est superbe. Ces trois-là revivifient le texte, les personnages, par leur vitalité, leur sensualité même. C’est très intéressant.
Théâtre de la Madeleine, du mardi au samedi à 20 h 30, en matinée le dimanche à 15 heures Durée : 1 h 30. Places de 20 à 32 euros et 10 euros pour les moins de 26 ans du mardi au jeudi (01.42.65.07.09 et www.theatremadeleine.com). Le programme contient le texte de la pièce et un dossier documentaire très intéressant (10 euros).
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