L'HOMME sera resté longtemps un mystère. On sait à peine qu'il a passé une partie de son enfance à deux pas du mur des Lamentations, à Jérusalem, et sa jeunesse au Caire. Par quoi furent motivés les premiers engagements de celui qui fonda en 1959, à l'âge de 30 ans, avec une poignée d'amis, un mouvement de feddayin, le Fath, et qui devint président de l'OLP en 1969, on le découvre dans cette première biographie complète de Yasser Arafat, qui n'a été rendue possible que par la personnalité et le travail de l'auteur, qui entretient avec l'Irréductible des rapports de confiance depuis plus de vingt ans.
Amnon Kapeliouk - qui collabore depuis de nombreuses années au « Monde » et au « Monde diplomatique », ainsi qu'au quotidien israélien « Yedioth Aharonoth » - est un spécialiste reconnu du Proche-Orient et du conflit israélo-arable. Il est apprécié des Palestiniens pour avoir dévoilé l'implication israélienne dans les massacres de Sabra et Chatila en 1982. A Beyrouth, en Tunisie, en Palestine et ailleurs, il a rencontré près de cent cinquante fois le « raïs », il a eu des conversations avec des dizaines de dirigeants palestiniens - qui, à l'occasion, sont devenus des opposants - et israéliens - notamment plusieurs officiers des renseignements militaires - et il s'est appuyé sur une masse considérable de documents.
Amnon Kapeliouk, pour qui Yasser Arafat incarne, sans aucune contestation, le peuple et la résistance palestiniens, le décrit comme un homme très sensible et, à la différence d'autres responsables palestiniens, très réceptif aux malheurs endurés par le peuple juif, toujours désireux de s'informer, souligne-t-il.
Il insiste sur la volonté du dirigeant palestinien de dialoguer avec les Israéliens dès 1973, et estime que sa diabolisation vient de la volonté du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu (Likoud), en 1997, de ne pas appliquer les accords d'Oslo.
L'auteur pense également que, à Camp David, en 2000, Ehud Barak n'a fait aucune avancée sur Jérusalem et les réfugiés et qu'Arafat y a été « trahi » par Bill Clinton. Selon lui, le déclenchement de la deuxième intifada en 2000, est imputable à Ariel Sharon lorsqu'il se rendit sur l'esplanade des mosquées, mais aussi à Barak, qui l'a laissé faire, malgré la mise en garde d'Arafat. Ainsi sont battues en brèche par le biographe les deux grandes justifications de l'isolement et de la mise à l'écart d'Arafat, tant par Sharon que par George W. Bush.
Une biographie fondamentalement politique préfacée par l'ancien président sud-africain Nelson Mandela pour qui Arafat « restera à jamais un symbole d'héroïsme pour tous les peuples du monde ».
Editions Fayard, 523 p., 24 euros.
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