Antiquités
Montaigne ! Francis Pottiée-Sperry est tombé dedans à 15 ans et n'en est jamais sorti, jusqu'à se faire enterrer dans le même cimetière que lui ! C'est pourtant par Ronsard qu'il commença sa bibliothèque, avec un recueil offert par son père « pour lui donner le goût des beaux livres et des bons auteurs ». Mais c'est l'auteur des « Essais » qui reste son préféré, l'objet d'une passion exclusive qui l'accompagna tout au long de son existence, comme un nouveau La Boétie. Ne fit-il pas une nuit le cauchemar qu'il était mort !
La pièce maîtresse de la bibliothèque Pottiée-Sperry est évidemment l'édition originale des « Essais », parue à Bordeaux en 1580 et estimée 150 000/200 000 euros dans son habillage d'origine de simple vélin. Encore qu'avec Montaigne la notion d'original soit à géométrie variable. Cette première édition ne contient en effet que les deux premiers livres, il faut attendre 1588 pour voir paraître l'ouvrage complet avec le troisième livre et les deux premiers sensiblement modifiés.
En avance d'un siècle sur le conseil de Boileau, « cent fois sur le métier remettez votre ouvrage », Montaigne avait encore transformé ses « Essais », sur un exemplaire que Francis Pottiée-Sperry n'a jamais pu posséder, sauf en fac-similé, puisqu'il est conservé à la bibliothèque de Bordeaux. La version intouchable et définitive est donc l'édition posthume de 1595, créditée de 22 000/28 000 euros dans une reliure de veau d'époque. Le collectionneur possède évidemment toutes les éditions anciennes des « Essais », et d'autres plus récentes, soit une quarantaine d'ouvrages. Sans compter les traductions, anglaises, italiennes, hollandaises, et même une version en japonais de 1963.
« Les Essais » ne sont pas le seul ouvrage de Michel Eyquem. Un des plus pittoresques et des plus attachants est le récit du voyage à travers les villes d'eau d'Allemagne et d'Italie qu'il effectua en 1580/81 pour soigner sa maladie de la pierre. Découvert par hasard au milieu du XVIIIe siècle, le manuscrit, qui n'était pas destiné à la publication, fut édité pour la première fois en 1774. Cet original figure bien entendu au catalogue, avec l'estimation de 1 500/2 000 euros.
Deux perles
Le rêve de Francis Pottiée-Sperry, évidemment impossible, eut été de reconstituer chez lui la « librairie » de son idole, riche à l'époque d'un millier d'ouvrages aujourd'hui dispersés à travers le monde (on en connaît une centaine). Le collectionneur avait pourtant déniché deux perles : « les Commentaires » de César, dans une édition de 1543, offerts en 1549 par son père à l'adolescent de 16 ans qui y a apposé sa signature ; on en attend 80 000/100 000 euros. Et un ouvrage de droit en latin, de 1565, portant lui aussi la signature de Montaigne en forme d'ex-libris.
Francis Pottiée-Sperry s'est appliqué à réunir autour de lui les auteurs appréciés par Montaigne. La première édition de Rabelais, de 1553, qui réunit « Gargantua », « Pantagruel », « Tiers Livre » et « Quart Livre » en reliure en veau de l'époque, (50 000/70 000 euros), un recueil des poésies de Clément Marot et François Villon (60 000/80 000 euros) et un exemplaire de 1585 du traité de chirurgie d'Ambroise Paré, en reliure d'époque, orné de son portrait et de 382 gravures sur bois (30 000/40 000 euros). Figure aussi au catalogue le texte original de l'Edit de Nantes, publié en 1599, en reliure d'époque (5 000/7 000 euros) que Montaigne, mort en 1592, n'a pu connaître, mais qu'il eut largement approuvé. Il a pu posséder, en revanche, un guide de Paris publié en 1550 par Gilles Corrozet, qui passionnera, pour 5 000/7 000 euros, tous les amoureux de la capitale.
Exposition à Paris du lundi 24 au mercredi 26 novembre, de 10 h à 18 h.
Jeudi 27 novembre, 15 h, galerie Charpentier, 76, rue du Faubourg-Saint-Honoré, 75008 Paris, Sotheby's.
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