LA CGT ET LA CFDT accusent Xavier Bertrand de les avoir trahies à propos des 35 heures. Le ministre affirme qu'il les a toujours informées de ses intentions. Il ne peut pas nier pourtant que c'est à la demande publique de Patrick Devedjian, au nom de l'aile droite de l'UMP, que le gouvernement a refusé d'avaliser un accord entre la CGT et la CFDT d'une part, le Medef d'autre part, accord qui maintenait les 35 heures comme base à partir de laquelle étaient élaborées les négociations au sein de l'entreprise, notamment en ce qui concerne les heures supplémentaires, dont le même Xavier Bertrand a pourtant fait son cheval de bataille.
Roulés dans la farine.
Même s'il s'est parjuré, M. Bertrand ne peut que constater la réalité du rapport de force. Bien que Bernard Thibault ait promis une énorme journée de mobilisation en octobre prochain, personne ne croit, pour le moment, que les syndicats sont en mesure de gêner le gouvernement, qui profite sans vergogne de sa position de force.
SARKOZY TRIOMPHE EN TRAHISSANT THIBAULT ET CHEREQUE
De toute évidence, Nicolas Sarkozy a provisoirement sacrifié sa popularité à la réforme, principalement pour donner un os à ronger à sa majorité. Mais il crée ainsi une rancoeur syndicale qu'il aura du mal à apaiser et qui peut lui réserver des lendemains difficiles. À entendre les déclarations de MM. Chérèque et Thibault, fâchés avec les autres syndicats parce qu'ils avaient abouti à un accord avec le patronat (cet accord, précisément, dont M. Bertrand ne tient pas compte), ces deux leaders apparaissent aujourd'hui comme les victimes d'un pouvoir machiavélique qui les aurait roulés dans la farine.
Depuis qu'il a été élu, Nicolas Sarkozy a accordé des trésors de temps, de patience et de mansuétude aux chefs syndicaux. Il savait que M. Chérèque n'est pas, par principe, hostile aux réformes, et même qu'il a déjà signé un accord sur les retraites (en 2003) ; il savait aussi que M. Thibault souhaitait sortir de sa réputation d'intransigeance et de montrer sa capacité à accompagner le changement. En conséquence, les chances des réformes sociales étaient plus grandes que ne le faisaient apparaître les discours convenus et les manifestations.
En la personne de Raymond Soubie, probablement le meilleur spécialiste français des relations sociales, l'Élysée disposait en outre d'un atout majeur, d'un homme parfaitement en mesure de dire à M. Sarkozy jusqu'où il pouvait aller et jusqu'où il ne pouvait pas.
Pourquoi, si on est convaincu jusqu'à la moelle que les 35 heures ont été une lourde erreur historique, ne pas les démanteler ? Pourquoi, après en avoir montré tous les effets pervers, ne pas s'attaquer à cet anachronisme ?
Premièrement, parce que leur abolition apparaît comme la loi du plus fort et la vengeance de la droite sur la gauche, ce qui risque de relancer le climat de guerre civile qu'alimente désespérément l'opposition ; deuxièmement, parce que les 35 heures, qu'il a été affreusement compliqué et coûteux de mettre en place, seront aussi difficiles à détricoter, les chefs d'entreprise en témoignent ; troisièmement, parce que M. Sarkozy a fait campagne et a peut-être remporté les élections sur le thème du « travailler plus pour gagner plus » et a engagé sa politique sociale sur les heures supplémentaires. Or, dire aux salariés : «Vous allez travailler 40 ou 42heures ou plus, et on vous paiera les heures supplémentaires», cela revient à dire qu'il n'y aura pas d'heures supplémentaires ; quatrièmement, parce que le gouvernement, en passant outre un accord signé par le patronat, se montre plus royaliste que le roi. Tout cela pour faire plaisir à M. Devedjian.
Si l'on met de côté les aspects moraux de cette affaire, on découvre que le pire n'est pas sûr, que, jusqu'à présent, en tout cas, les syndicats n'ont pas été capables de faire reculer le gouvernement ; et que, dans un climat littéralement plombé par l'inflation et la baisse du pouvoir d'achat, ce n'est pas la révolte du peuple qui jaillit des manipulations du gouvernement, ce serait plutôt la résignation.
Le printemps explosif n'a pas eu lieu.
Depuis le début du mois, nous sommes dans un pays où personne ne fait plus attention aux grèves, où les salariés ne se privent plus d'une journée de salaire pour participer au combat social, où les usagers qui, naguère, approuvaient ou critiquaient les grévistes vaquent à leurs affaires sans s'intéresser aux enjeux. Il n'est peut-être que provisoire, mais ce changement est d'autant plus surprenant qu'on pouvait s'attendre à un printemps explosif.
MM. Sarkozy et Bertrand n'auraient pas dû trahir leurs engagements. Ils sont passés de l'ouverture et de la rupture à une gestion de droite classique, pour ne pas dire réactionnaire. Cela dit, le nombre de réformes réalisées en treize mois donne tout simplement le vertige. Et ça, seul Sarkozy pouvait le faire.
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