COMME TOUT LE MONDE s'attendait à un recul de la majorité de droite (qui reste majoritaire), on a eu droit à deux commentaires généraux : celui des socialistes, qui rappellent – à juste titre – qu'ils ont une très forte présence dans les collectivités locales et que la droite ne conserve sa position au Sénat qu'à cause du mode de scrutin ; et celui de l'UMP qui estime qu'elle « résiste ». François Hollande ose à peine penser que la gauche pourrait devenir majoritaire en 2011, mais sa prévision est tempérée par le poids d'un mécanisme électoral très particulier et profondément archaïque.
50 000 grands électeurs.
Le Sénat est renouvelé par tiers tous les trois ans et les sénateurs sont élus par quelque 50 000 « grands électeurs » (conseillers municipaux, régionaux, députés) ; il ne s'agit donc pas d'un scrutin au suffrage universel, ce qui permet beaucoup d'accommodements entre élus qui se connaissent et se rendent des services qui n'ont pas toujours un rapport avec leurs convictions.
Lionel Jospin pensait, quand il était Premier ministre, qu'il fallait soit supprimer le Sénat, soit changer le mode de scrutin, mais il n'a pas eu le courage ou le temps de procéder à cette réforme, qui reste nécessaire. Les socialistes souhaitaient que la réforme de la Haute Assemblée fût incluse dans la révision de la Constitution, votée l'été dernier à l'arraché. Mais le président Sarkozy n'a rien voulu entendre, ce qui a conduit les socialistes à voter contre la réforme constitutionnelle.
Si elle a été adoptée, c'est bel et bien parce que la droite avait une très forte majorité au Sénat. Celle-ci se réduisant considérablement, il sera plus difficile pour le pouvoir d'obtenir la prochaine fois la majorité des trois cinquièmes requise pour tout changement de la loi fondamentale.
La progression de la gauche au Sénat constitue-t-elle le signe avant-coureur d'un raz-de- marée socialiste aux élections européennes de l'année prochaine et peut-être aux grandes échéances de 2012 ?
Rien n'empêche de penser que, si la droite dispose au Sénat d'une majorité « factice », le succès de la gauche l'est tout autant. Certes la conjoncture économique n'est guère favorable au pouvoir en place, mais il faut tenir compte de deux facteurs : d'abord le temps qui peut réparer les dégâts causés par la conjoncture ; ensuite, l'incapacité des socialistes à s'imposer – pour le moment – en tant que force d'opposition assez dynamique pour reconquérir le pouvoir. En d'autres termes, l'UMP et M. Sarkozy bénéficient des difficultés de la gauche à s'organiser.
On ne reviendra pas ici sur ses divisions. On regrettera seulement que le Sénat n'ait pas été modernisé, conformément aux exigences des socialistes. La Haute Assemblée a une image archaïque ; les sénateurs sont perçus par l'opinion comme des personnages dont l'âge garantit moins la sagesse que le conservatisme. Cependant, selon les sondages, les Français ne souhaitent pas la suppression du Sénat. Ils devinent qu'un poste de sénateur correspond souvent à une compensation destinée à prolonger une carrière politique théoriquement parvenue à son terme.
Ainsi Jean-Pierre Chevènement (MRC) fait, à 69 ans, une brillante entrée au Sénat, qu'il a choisi après avoir perdu ses mandats de député et de maire.
Un livre paru récemment, qui jette la lumière sur les dépenses du Sénat, ne contribuera pas à augmenter l'affection du public pour les sénateurs. Non seulement ils sont bien payés, mais ils touchent de fortes indemnités, pour une activité qui n'est pas considérée comme accablante, bien que les membres de la Haute Assemblée soit devenus plus actifs sur le plan législatif depuis quelques années. Christian Poncelet, président du Sénat jusqu'à ce matin, aurait obtenu un vaste appartement à Paris, sans compter les diverses indemnités liées à son départ.
Un président élu aujourd'hui.
C'est aujourd'hui que l'UMP élit le nouveau président du Sénat. La bataille se joue entre l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et l'ancien ministre Gérard Larcher, avec un outsider, Philippe Marini. À part ceux qui ont été battus ou n'ont pu, comme Charles Millon, entrer au Sénat, le scrutin de dimanche dernier a fait beaucoup d'heureux, à gauche parce qu'elle a gagné, et à droite parce que la routine sénatoriale se poursuit, comme toujours.
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