ON EN A VU des Ubu ! Il y eut celui de Vilar avec Georges Wilson, formidable, et celui de Peter Brook, ceux de Vitez, de Sobel avec Denis Lavant, il y a eu l’inoubliable version du Nada Théâtre avec des personnages en légumes, de vrais légumes, carottes, poireaux, choux et autres primeurs ! Cet Ubu-là est particulier puisqu’il marque l’entrée de l’uvre au répertoire de la Comédie-Française. C’est Jean-Pierre Vincent qui le met en scène et, franchement, il s’agit d’un travail formidable et d’une soirée où l’on rit beaucoup et où pourtant, parfois, on a le cur serré car il y a quelque chose de tragique dans la pièce et dans le destin même de Jarry.
On le sait, Ubu est l’invention d’une bande de jeunes lycéens qui voulaient se moquer de leur professeur… Que cette invention ait pris une place immense dans l’histoire littéraire jusqu’à forger la langue avec « ubuesque », est fascinante. Bien sûr, Jarry avait revu sa copie et la création de la pièce, le 10 décembre 1896, fit un scandale entré lui aussi dans les annales. Depuis le temps a passé. Ubu amuse et intrigue, Ubu impressionne car la folie de bien des dictateurs lui correspond.
Sous la silhouette d’Ubu, c’est d’abord celle du professeur (Serge Bagdassarian, comédien ultrasensible et fin, est magnifique) et les personnages agissent, un peu comme ces marionnettes que l’auteur aimait tant, sous le regard de Jarry lui-même, bien reconnaissable avec son vélo et son costume d’athlète (Christian Gonon, très bien, inquiétant à souhait et profond). Jarry boit de l’absinthe pendant tout le spectacle : c’était son lot, il en mourut à 34 ans…
Toute la distribution est excellente : Anne Kessler est tonique, omniprésente Mère Ubu, drôle et menaçante parfois. Bordure, c’est Gilles David avec ses faux airs de Général parachutiste, Bougrelas, le fils du roi assassiné que joue Michel Robin, est le doux et précis Benjamin Jungers, mais tous les autres, Martine Chevallier, la femme du roi Venceslas, Christian Blanc, Nicolas Lormeau, Grégory Gadebois, Pierre-Louis Calixte, Stéphane Varupenne, Adrien Gamba-Gontard et Imer Kutllovei, tous sont engagés, investis, unis et personnels à la fois.
Une superbe entrée au répertoire : on rit sans cesse et l’on réfléchit. Car les leçons d’Ubu peuvent rappeler beaucoup de vérités du jour…
Comédie-Française, salle Richelieu, à 20 h 30 ou 14 heures en matinée, en alternance jusqu’au 21 juillet 2009. Durée : 1 h 50 sans entracte (0825 10 16 80). Et aussi : www.comedie-francaise.fr
À lire : les Nouveaux Cahiers de la Comédie-Française, numéro spécial Jarry, passionnant (10 euros).
On peut aussi revoir le merveilleux « Ubu roi » de la télévision, un chef-d’uvre de jeu et d’animation par Jean-Christophe Averty (un DVD Mercury).
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