Une version atone

Le décor ? Ravissant ! Les costumes ? Superbes ! La distribution ? De qualité ! La traduction ? Très bonne ! Le metteur en scène ? Un grand artiste ! Qu'est-ce qui fait que pourtant cette production de « Hedda Gabler » d'Henrik Ibsen n'est pas satisfaisante ?

Roman Polanski est un grand cinéaste. Un acteur étonnant. Mais au théâtre, il est trop sage, trop respectueux des textes. Il fait trop confiance aux poètes. Il pense qu'il suffit de les suivre et que tout ce que contient leurs encres acides, va affleurer. Or, il n'en est rien. Mettre en scène, c'est parfois contredire le beau lissé des mots et montrer au public ce que dissimulent les protagonistes.
Pour ne rien faire d'autre que s'appuyer sur l'adaptation de François Regnault, Polanski perd et la pièce et le personnage d'Hedda. Il faut dire qu'Emmanuelle Seigner ne lui facilite pas la tâche : on ne peut être Hedda et n'être que dans la charme et la joliesse. Hedda fait peur. Hedda est un gouffre qui s'avale elle-même. Dans le spectacle que l'on nous propose, on en viendrait presqu'à penser que la fille du Général Gabler n'est qu'une étourdie désinvolte qui ne s'intéresse à rien ni à personne à part à elle-même et à ses petits privilèges. Et lorsqu'elle accomplit le crime épouvantable de jeter au feu le manuscrit d'un homme qui a confiance en elle, on devrait être terrorisé. Il n'en est rien.
Les comédiens ont des qualités. Mais ils ne sont pas poussés dans leurs derniers retranchements. Dommage. On voit bien comment une telle production pourrait s'amender. En travaillant plus le côté sombre et destructeur d'Hedda, en n'ayant pas peur de l'abîme, des larmes, des visages ravagés...

Théâtre Marigny-Robert-Hossein, à 20 h 30 du mardi au vendredi, le samedi à 16 h et 21 h, à 16 h le dimanche. Durée : 1 h 50 sans entracte (01.53.96.70.00).