C’EST SOUS l’impulsion de John Meynard Keynes et des quatre frères et surs Stephen (Thoby Stephen, Virginia Woolf, Vanessa Bell et Adrian Stephen) que le groupe de Bloomsbury vit le jour en 1905, à Londres. À l’origine simple réunion d’écrivains (avec Virginia Woolf en figure de proue, entourée d’Edward Morgan Forster, Bertrand Russell, Aldous Huxley, etc.), le mouvement élargit rapidement ses activités à la peinture, à la gravure, aux arts appliqués, à la musique, à la danse et même à l’économie et aux recherches universitaires. Ce qui gouverna et unit cette association de jeunes intellectuels anglais ? La liberté, l’audace, le refus des conventions. Leurs idées pacifistes, antimonarchiques, leurs opinions et convictions furent régulièrement controversées et attaquées au sein de la société britannique.
Loin d’être des agitateurs révolutionnaires, les membres de Bloomsbury fournirent un réel apport aux arts plastiques et aux arts décoratifs. En 1910 et en 1912, le peintre Roger Fry organisa une exposition à Londres d’uvres d’artistes français post-impressionnistes, tels Cézanne, Matisse, Picasso, Gauguin et Van Gogh. L’adhésion des artistes de Bloomsbury à cette brillante modernité fut immédiate. Ils assimilèrent avec intelligence et intuition les leçons de ces avant-gardes françaises, ce nouveau langage pictural à l’opposé de la tradition officielle, et développèrent ces influences tout au long de leur carrière, dans la fidélité à leur culture nationale. Ainsi, les uvres de Vanessa Bell, Duncan Grant et Roger Fry (intérieurs cosy, paysages, baigneuses, portraits…) affichent-elles des couleurs discrètement contrastées, des sursauts de lumière, des formes joliment équilibrées, des hardiesses parfois, aussi bien par le choix des tonalités que par celui des cadrages. En témoins fidèles du contexte social de leur époque, ces artistes se firent les observateurs contemporains de celle-ci, mais avec une indépendance dans le style.
L’exposition de Roubaix nous renseigne également sur les Omega Workshops (ateliers Omega), formidable et novatrice société éditrice d’objets d’artisanat et de décoration fondée par Roger Fry en 1913 (et qui fermera ses portes en 1919), dans la tradition de l’Art and Craft anglais. Ces ateliers, émanation directe du groupe de Bloomsbury, furent un modèle de créativité et de démocratie, un lieu libre et ouvert à toutes les expériences formelles créatives. Les artistes qui y participaient fabriquèrent des céramiques, des meubles, des papiers peints, du textile, de la vaisselle ou des bijoux, dont de remarquables exemples sont visibles dans les salles du musée.
Comme le dit Guillaume Olive dans le catalogue publié à l’appui de l’exposition (Gallimard, 39 euros), le groupe de Bloomsbury « demeure un phénomène culturel unique ». Il reste « difficile d’en définir le concept, d’en dessiner les contours ». L’exposition, qui retrace cette aventure, n’en est que plus intéressante. Elle est un bel hommage à cet engagement artistique, qui fut une uvre d’art totale.
La Piscine, tél. 03.20.69.23.60, www.roubaix-lapiscine.com. Jusqu’au 28 février.
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