Par le Pr CLAIRE BEYLOT*
LES ACNÉS juvéniles banales sont considérées comme primitives, sans rapport avec une maladie endocrinienne, et sont liées à une hypersensibilité du récepteur sébacé à des androgènes circulants normaux.
Chez les jeunes filles ou jeunes femmes, recevant ou non un traitement non hormonal, il faut que la contraception, qu'elles peuvent désirer par ailleurs, soit adaptée au terrain acnéique et ne comporte pas de progestatifs androgéniques. Or la plupart des pilules remboursées par l'assurance-maladie ont un progestatif androgénique, souvent le norgestrel. Les pilules indiquées sont celles de dernière génération dont le progestatif n'est pas ou est très peu androgénique (gestodène, désogestrel, norgestimate, drospirénone, acétate de chlormadinone), mais elles ne sont pas remboursées. La seule pilule ayant en France l'AMM « contraception de la femme acnéique » est l'association triphasique éthinylestradiol (35 µg) et norgestimate (180-215-250 µg) (Triafemi et Tricilest). Les pilules progestatives pures, les stérilets à progestérone, les implants ont souvent un rôle aggravant sur l'acné.
Une contraception qui améliore l'acné ?
On constate souvent, chez des jeunes acnéiques qui prennent une contraception non androgénique, une amélioration de l'acné. Bien que certains dermatologues soient réticents pour admettre qu'une pilule puisse être un traitement de l'acné, d'autres pensent que les estroprogestatifs peuvent avoir un rôle thérapeutique sur des acnés minimes ou moyennes.
La seule pilule qui ait pour AMM « traitement de l'acné chez la femme » est Diane associant 35 µg d'éthinylestradiol et 2 mg d'acétate de cyprotérone.
Il est précisé que « l'efficacité est modérée et ne s'observe qu'après plusieurs mois de traitement ». Bien que sa dose d'acétate de cyprotérone soit très faible par rapport à celle d'un comprimé d'Androcur (2 mg versus 50 mg), cette pilule a une action antiandrogène qui assure l'effet thérapeutique sur l'acné. Mais Diane n'a pas l'AMM « contraception » car son effet inhibiteur de l'ovulation, largement admis par les gynéco-endocrinologues, n'a pas été validé par le calcul de l'indice de Pearl dans le cadre d'une demande d'AMM. Cependant, sa fiabilité contraceptive est suffisamment sûre pour qu'elle puisse être proposée, chez une jeune acnéique qui souhaiterait à la fois un traitement de l'acné et une contraception.
En revanche, elle ne doit pas être prescrite comme le contraceptif indispensable dans le cadre d'un traitement par isotrétinoïne orale dont on connaît les risques tératogènes.
D'autres pilules que Diane ont un progestatif ayant un effet antiandrogène léger et peuvent être une option thérapeutique pour une acné légère, surtout chez une patiente désirant aussi une contraception. Déjà, l'étude de A. W. Lucky (1) démontrait l'efficacité d'une pilule triphasique au norgestimate dans les acnés légères (Triafemi, Tricilest). L'activité antiandrogène du norgestimate (2) a été depuis démontrée in vitro, de même que celle de l'acétate de chormadinone (Belara) (3). La drospirénone des pilules Jasmine et Jasminelle a un effet antiminéralocorticoïde et aussi un effet antiandrogène comme la spironolactone dont elle est proche et son efficacité a été constatée dans l'acné (4, 5).
Rechercher une hyperandrogénie.
Doivent toujours être recherchés, même devant une acné d'apparence banale : hirsutisme surtout, plus rarement alopécie androgénique, troubles des règles à type de spanioménorrhée, stérilité. La topographie « masculine » de l'acné (atteinte maxillaire inférieure et dorsale importante), sa récidive rapide après isotrétinoïne orale ou sa résistance à ce traitement doivent inciter aussi à la recherche d'une hyperandrogénie. Le dosage de la testostérone libre pratiqué dans de bonnes conditions (en dehors d'un traitement hormonal, en début de cycle, le matin) pourra confirmer, si le taux est augmenté, cette hyperandrogénie. Devant ces éléments, un avis spécialisé, auprès d'un endocrinologue ou d'un gynécologue, doit être demandé pour préciser la maladie endocrinienne responsable : ovaires polykystiques (OPK) dans 80 % des cas, moins souvent bloc enzymatique surrénalien incomplet, exceptionnellement tumeur ovarienne ou surrénalienne. Il ne faut pas oublier non plus les hyperandrogénies liées à la diminution de la SHBG, protéine de liaison et de transport de la testostérone plasmatique : davantage de testostérone libre arrive alors au niveau des récepteurs sébacés. Ces hyperandrogénies de transport, dont les signes cliniques et biologiques sont habituellement modérés, sont souvent dues à une contraception comportant des progestatifs androgéniques.
Mais il arrive quand même que des signes cliniques d'hyperandrogénie, notamment l'hirsutisme, puissent être associés, alors que l'on n'a pas d'augmentation de la testostérone plasmatique. On est alors dans le cadre de l'acné primitive, avec hirsutisme idiopathique lié à l'hypersensibilité des récepteurs sébacés et pilaires aux androgènes. La proportion de ces formes idiopathiques, au moins dans l'étiologie de l'hirsutisme, a beaucoup diminué depuis que l'on sait mieux dépister les maladies endocriniennes telles que les OPK ou les blocs surrénaliens.
Le traitement des OPK repose surtout sur le blocage ovarien par un estroprogestatif et celui des blocs surrénaliens sur un blocage de l'axe hypophyso-surrénalien à l'aide de faibles doses de corticoïdes.
Mais, si l'acné s'accompagne de signes cliniques d'hyperandrogénie marqués et en particulier d'hirsutisme, une « désandrogénisation » sera nécessaire avec un antiandrogène fort, tel que l'acétate de cyprotérone (Androcur), qu'il faudra associer aux traitements précédents. Devant ce tableau clinique, Androcur peut être envisagé, qu'il y ait ou non une élévation des androgènes plasmatiques.
Androcur est à lui seul contraceptif car fortement antigonadotrope, mais il doit être prescrit en association avec un estrogène, car il n'a pas seulement une action antiandrogène, mais aussi un effet antiestrogène qui pourrait avoir des inconvénients sur les cibles estrogéniques (muqueuse utérine, sein). En pratique, on donne soit une pilule estro-progestative que l'on supplémente de 1/2 à 1 comprimé d'Androcur, soit un estrogène naturel, par voie orale, plus adapté pour l'observance chez des sujets jeunes que l'estradiol par voie percutanée.
Aux Etats-Unis, où Androcur n'est pas disponible, la spironolactone (Aldactone) est utilisée. Les doses préconisées sont souvent élevées, de l'ordre de 200 mg/jour, mais il a été constaté que des doses plus faibles (50 mg) pouvaient suffire. La spironolactone, à l'inverse de l'acétate de cyprotérone, n'est pas contraceptive. En France, elle est moins utilisée, mais peut avoir un intérêt chez de très jeunes filles, dont on ne veut pas bloquer trop précocement l'axe hypophyso-ovarien avec Androcur, ou chez des femmes plus âgées présentant des contre-indications, non pas tellement à Androcur, mais aux estrogènes qu'il faut y associer.
* Professeur émérite de dermatologie de l'université Victor-Segalen de Bordeaux-II.
Bibliographie (1) Lucky AW, Henderson TA, Olson WH, Robisch DM, Lebwohl M, Swinyer LJ. Effectiveness of norgestimate and ethinyl estradiol in treating moderate acne vulgaris.
J Am Acad Dermatol 1997; 37: 746-54.
(2) Paris F, Rabeolina F, Balaguer P, Bacquet A, Sultan C. Antiandrogenic activity of norgestimate in a human androgen-dependant stable-transfected cell line. Gynecol Endocrinol 2007; 23: 193-97.
(3) Térouanne B, Paris F, Servant N, Georget V, Sultan C. Evidence that chlormadinone acetate exhibits antiandrogenic activity in androgen-dependant cell line. Mol Cell Endocrinol 2002; 198: 143-47.
(4) Fenton C, Wellington K, Moen MD, Robinson DM. Drospirenone/ethinylestradiol 3 mg/20 microg (24/4 day regimen): a review of its use in contraception, premenstrual dysphoric disorders and moderate acne vulgaris. Drugs 2007; 67: 1749-65.
(5) Tan JK. New developments in hormonal therapy for acne. Skin Therapy Lett 2007; 12:1-3.
Les acnés de la femme adulte
Elles sont fréquemment liées à des troubles hormonaux mineurs. Habituellement modérées, ces acnés sont psychologiquement mal supportées, car affichantes chez des femmes qui ont dépassé l'âge classique de l'acné et qui ont parfois des activités professionnelles nécessitant une présentation impeccable. Les traitements locaux sont souvent insuffisants et mal tolérés. Il faut donc un traitement général, soit antibiotique, soit même par isotrétinoïne orale. Le traitement hormonal avec des doses souvent faibles d'Androcur (de 12,5 à 25 mg), associé à de l'estradiol ou à une pilule contraceptive, peut être une bonne alternative.
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