Canicule
M. M. a une fébricule à 37,6 °C. Il fait très chaud dans la pièce où il se tient d'habitude pendant les heures chaudes de la journée. C'est la canicule et il n'arrive pas à faire de courants d'air efficaces. A l'examen, il a une tuméfaction de la partie basse de la joue droite, dessinant la glande parotide. Le moindre attouchement est très douloureux. Le côté controlatéral est normal. Les lèvres sont sèches. La muqueuse buccale est peu hydratée aussi. L'état dentaire est… moyen. Le massage de la région parotidienne gauche fait sourdre un peu de salive claire à l'orifice du Sténon, en regard de la deuxième prémolaire supérieure. Après moult tergiversations, le massage de la parotide droite fait sourdre une petite goutte de salive louche à l'orifice du Sténon, à droite.
Il s'agit donc d'une parotidite suppurée droite.
Deux problèmes
Deux problèmes se posent: traiter l'épisode actuel, éviter une récidive.
Le traitement de la parotidite aiguë suppurée repose sur les antibiotiques à élimination salivaire. On peut prescrire l'association amoxicilline-acide clavulanique (1 g trois fois par jour) ou l'association spiramycine-métronidazole (Rodogyl 2 cp trois fois par jour au cours des repas) pendant une semaine. Le choix va dépendre d'une éventuelle allergie (l'association amoxicilline-acide clavulanique est contre-indiquée en cas d'allergie aux bêtalactamines, le Rodogyl est contre-indiqué en cas d'allergie à la spiramycine ou au métronidazole) et des médicaments que prend déjà le patient (le Rodogyl interagit avec la lévodopa, et les anticoagulants). A cela il faut ajouter des antalgiques, car la tuméfaction est très douloureuse et l'alimentation exacerbe la douleur. Or il faut que M. M. continue à s'alimenter. Les anti-inflammatoires ne sont pas obligatoires, ils sont à manier avec précaution à cet âge. Enfin, il faut veiller à ce que M. M. s'hydrate suffisamment… et c'est sans doute la partie la plus difficile du traitement.
La déshydratation
La parotidite aiguë suppurée est en effet favorisée par la déshydratation. La salive est normalement stérile. La glande parotide s'infecte à partir de germes présents dans la bouche et plus particulièrement au niveau des dents. Ces germes (expansionnisme oblige) remontent dans le Sténon et essaient de faire souche dans la glande parotide et ses canaux excréteurs. Ils sont rejetés essentiellement par le flux salivaire qui est relativement important : pas loin d'un litre par 24 heures pour les quatre glandes salivaires principales. Le flux salivaire est diminué pendant le sommeil. Il est plus important au cours des repas, surtout si les plats paraissent appétissants au sujet ! Il est aussi favorisé par la mastication.
La salivation est diminuée en cas de déshydratation. Il est donc important de veiller à ce que Monsieur M. s'hydrate suffisamment. Cela n'est pas si simple car la sensation de soif diminue nettement chez la personne âgée. Il faut insister pour que le patient boive très régulièrement dans la journée, même s'il n'a pas soif. Pour se rendre compte de la quantité totale bue dans la journée, on peut suggérer au patient de se servir toujours à la même bouteille. L'idéal serait qu'il boive un litre et demi d'eau plate par jour, surtout avec la chaleur qu'il fait. Par ailleurs, les problèmes sphinctériens, plus fréquents aussi avec l'âge, font que beaucoup de personnes âgées restreignent plus ou moins consciemment leurs boissons. Il faut oser leur en parler car il peut y avoir des solutions médicamenteuses ou autres. Enfin, il peut s'y ajouter des troubles de la sensibilité pharyngée, source de mini-fausses-routes aux liquides. Dans ces cas, il faut proposer de l'eau gélifiée.
L'interaction alimentation-salivation est importante. Il est très difficile et peu motivant de se faire la cuisine lorsqu'on est seul. Mais des solutions existent : plats cuisinés, surgeler les restes si l'on a un congélateur, pour les personnes âgées qui ne se déplacent plus guère, certaines mairies organisent des livraisons de repas à domicile… On mange mieux lorsqu'on est en compagnie que lorsqu'on est tout seul et il est toujours curieux de constater que, lors des repas de famille, les personnes âgées mangent deux à trois fois plus que chez elles toutes seules, sans être aucunement incommodées lors de la digestion postprandiale.
De petits trucs
Pour faciliter la salivation, il y a de petits trucs : mâchonner un morceau de citron, mâcher du chewing gum (sans sucre). La teinture de Jaborandi (très amère) peut aussi faciliter la salivation. Il faut commencer avec une posologie faible, par exemple 10 gouttes trois fois par jour, puis augmenter progressivement sur une semaine pour atteindre la dose habituelle chez l'adulte qui est de 30 gouttes trois fois par jour. Un traitement par cure de 15 jours par mois est souvent plus efficace qu'un traitement continu (amélioration de la compliance ?).
Enfin, il faut penser à l'hygiène dentaire. Un mauvais état dentaire peut favoriser les parotidites. Il faut donc continuer à se brosser régulièrement les dents, faire un détartrage régulièrement, traiter les caries...
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