CELA COMMENCE comme une comédie délicieuse. Une scène merveilleuse entre deux jeunes amoureux. Elle piaffe (Eléonore Joncquez), il est un peu timide (Benjamin Wangermée). La mère reçoit les propositions, vaguement amusée (Maury Deschamps). Amédée a un grand copain, Thomas (Vincent Joncquez). Il s’engage chez les pompiers. Le Capitaine lui fait confiance (Éric Challier). Mais tout tourne tragiquement soudain. Un accident… Et Amédée ne pourra plus marcher, ni bouger, ni parler. Tout juste pourra-t-il épeler quelques mots d’un geste de la main. L’hôpital, la rééducation. La patience infinie d’un médecin ; la froide raison d’un administratif ; une journaliste indiscrète ; et Clov (Teddy Melis), l’interlocuteur imaginaire d’Amédée. Un personnage qui est tramé de ses fantasmes, tentations, désespoirs, espérances. Grâce à Clov, nous entrons dans l’âme et dans l’esprit du jeune homme.
N’en disons pas plus. Côme de Bellescize, la trentaine, s’est inspiré du cas tragique de Vincent Humbert. On s’en souvient, ce jeune homme, né en 1981, pompier, avait été victime d’un terrible accident de la route en septembre 2000. Tétraplégique, aveugle, ne pouvant s’exprimer autrement que par le pouce droit, il demanda au président de la République le « droit de mourir ». En 2003, sa mère, Marie Humbert annonce qu’elle aidera son fils, elle agit, est placée en garde à vue.
Côme de Belellescize ne reprend pas tout le détail de cette très douloureuse affaire. Mais on comprend combien il a été touché et l’humanité du propos est d’une puissance bouleversante. Il demeure un homme de théâtre. Il n’instruit pas un procès, il n’expose pas un dossier.
Il raconte une histoire et il ne le fait que par les moyens du théâtre. Son équipe artistique est remarquable (scénographie, costumes, vidéo, lumière, son, musique), tout est d’une pertinence parfaite. L’histoire est très bien racontée, sans pathos excessif. Elle fait réfléchir, elle touche, elle nous pose des questions graves. La mise en scène est fluide et pleine d’inventions délicates et d’efficacité.
C’est interprété à la perfection par des comédiens très bien choisis et dirigés. Éric Challier, Vincent Joncquez, Éléonore Joncquez, dans des doubles partitions très bien conduites ; Maury Deschamps avec tact et profondeur ; Teddy Melis avec une énergie, une fantaisie, une justesse formidables. Benjamin Wangermée, Amédée claquemuré ou Amédée « parlant » avec Clov, est fin et nuancé, très touchant.
C’est l’un des moments de théâtre les plus importants de ces derniers mois. Il révèle un jeune auteur et metteur en scène avec qui il faudra compter. Il pose à chacun des questions essentielles.
Théâtre de la Tempête (tél. 01.43.28.36.36, www.la-tempete.fr), à la Cartoucherie de Vincennes, à 20 heures du mardi au samedi, à 16 h 30 le dimanche. Durée : 1 h 40. Jusqu’au 2 juin.
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