A l'ORIGINE de ce qui est pour le Pr Francis Mégraud (secrétaire général du groupe European Helicobacter Study Group) « l'une des plus grandes découvertes ayant un impact sur la santé depuis le début du XXe siècle » (lire encadré), se trouvent deux hommes, à Perth, en Australie. Il a fallu la conviction du chercheur confirmé qu'était Robin Warren (né en 1937), et l'obstination de son élève, Barry Marshall (né en 1955) qui n'a pas hésité à payer de sa personne, pour que la découverte puisse être d'abord réalisée et ensuite admise par la communauté scientifique.
L'histoire se situe au début des années 1980, alors que la pratique de l'endoscopie et des biopsies se développe. Robin Warren est un original. Il réalise sur les prélèvements de tissus gastriques des colorations de Warthin, qui étaient utilisées pour les bactéries spiralées (tréponème dans les années 1930) permettant de voir ce qui est très fin. Parce qu'en réalité la notion de l'implication d'un germe dans l'ulcère gastrique n'était pas récente. Elle était déjà évoquée au début du XXe siècle, se souvient le Pr F. Mégraud.
Un homme discret, voire secret.
Pourquoi faisait-il cela ? « On ne sait pas. Il ne l'a pas dit. On croyait alors l'estomac stérile », rappelle le Pr Mégraud, qui est l'un des seuls à avoir rencontré cet homme discret, voire secret.
« Il vit caché. Il est juste sorti d'Australie une fois pour le congrès européen de l'European Helicobacter Study Group, qui a eu lieu à Lisbonne en 1997 . »
Homme d'intuition, Robin Warren s'obstine : les germes ne poussent pas, on jette les boîtes, mais le chercheur continue. Le week end prolongé de Pâques 1982 (lire page 9) lui donne raison : laissées à elles-mêmes, les boîtes révèlent des colonies de ce que l'on a alors appelé Campylobacter pyloridis (c'est en 1989 que le germe prendra son nom actuel).
Il fallait en convaincre la communauté scientifique. Warren demande alors à son stagiaire de 30 ans, Barry Marshall qui n'était pas encore gastro-entérologue, de travailler sur le sujet. A l'évidence, il tombe sur la bonne personne. Qui y croit, et s'y met avec l'énergie farouche qui le caractérise. L'épreuve était double. Il lui fallait faire ses preuves de jeune chercheur et celles de l' Hp dans l'estomac.
C'est lui qui a mené à bien les études cliniques et thérapeutiques qui ont démontré que cette bactérie est cause d'inflammation et d'ulcération de la paroi gastrique, puis l'efficacité d'un traitement antibactérien et aussi du bismuth utilisé à l'époque.
Il a eu la force de conviction qui a permis d'aller à contre-courant. On était à l'époque des anti-acides et de l'ulcère considéré comme une maladie à traiter la vie durant. Cela n'a pas été chose facile. La première fois qu'il veut présenter ce travail à un congrès, à Perth (en 1983), la présentation est refusée...
« C'est un homme extrêmement curieux, dynamique, extraverti. Il s'est souvenu que l'implication d'une infection avait déjà été évoquée dans un certain nombre de publications, avant de tomber dans l'oubli. »« Il a permis que l'idée s'impose à des gens qui n'étaient pas du sérail, comme moi qui suis bactériologiste au départ », évoque le Pr Mégraud.
Le scepticisme général pousse alors ce chercheur convaincu à s'auto-infecter, pour faire la preuve de ce qu'il avance. Il boit une suspension d' Helicobacter pylori. L'épreuve est évidemment encadrée par deux fibroscopies et suivie par un traitement par bismuth et amoxicilline. Le développement d'une pathologie de la paroi gastrique donne une preuve de plus de l'implication du germe. Avec un éclairage médiatique utile. Le test ne passe pas inaperçu à l'époque.
Robin Warren est maintenant à la retraite. Barry Marshall continue ses recherches sur Hp et dirige un laboratoire de biologie moléculaire à l'University of Western Australia.
Le lymphome du Malt
Dans la très grande majorité des cas, le lymphome du Malt est associé à une infection par H. pylori. L'éradication de la bactérie permet d'observer une régression de la maladie, et même une guérison complète dans 80 % des cas. Ainsi, le lymphome du Malt est le premier cancer qu'il est possible de guérir grâce à un traitement antibiotique, souligne le Pr Mégraud. Des recherches sont actuellement menées afin de déterminer s'il existe d'autres cancers d'origine infectieuse, qui seraient donc traitables, tout comme le lymphome du Malt, par une méthode aussi simple que l'administration d'antibiotique.
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