FRANçOIS PÉROL était totalement inconnu du grand public jusqu’au mois dernier. Sa soudaine célébrité est moins due à la fusion de deux grandes groupes bancaires qu’à la polémique que sa nomination, encore officieuse jusqu’à mardi, à la tête du nouvel ensemble. Les détracteurs professionnels de Nicolas Sarkozy, qui sont légion, y voient en effet, et pas forcément à tort, un mélange des genres entre la politique et la banque. François Goulard, député UMP quelque peu antisarkozyste, dénonce par exemple, « une vieille habitude des rapports incestueux entre la haute administration et les grandes entreprises ». Ce qui signifie deux choses : que le procédé n’est pas nouveau et que les critiques vertueux doivent d’abord balayer devant leur porte ; et que M. Sarkozy, dans ce domaine, n’a pas rompu avec la tradition.
Accrochés aux principes.
Ce qui, néanmoins, est surprenant, c’est que personne, parmi les grands dénonciateurs du procédé utilisé par le chef de l’État, François Bayrou, l’opposition socialiste ou encore le centriste Jean Arthuis (ni MoDem ni Nouveau centre), c’est qu’ils ne se posent ni la question de l’intérêt que peut présenter la fusion ni celle de la compétence de M. Pérol. Ils lui reprochent en outre d’avoir été l’acteur principal de la fusion des deux groupes et lui contestent donc le droit de diriger la nouvelle banque. Les ministres interrogés par les médias font tous valoir qu’il existe une commission de déontologie rattachée au Premier ministre, qu’elle sera sollicitée et qu’elle examinera le cas de M. Pérol. Ils ajoutent, non sans malice, qu’elle entérinera probablement la nomination du haut fonctionnaire. Ce que contestent des hommes comme MM. Bayrou et Arthuis qui affirment que les textes sont clairs : M. Pérol ne peut pas être nommé.
Vue au moyen de la lorgnette qu’utilise le grand public, cette tempête dans un verre d’eau n’a pas beaucoup de mérite. On veut bien que toutes les formes d’opposition qui existent dans ce pays s’accrochent aux principes comme la sangsue à la peau. Il faut, dans toute démocratie, des observateurs vigilants de la déontologie, de l’éthique et de la légalité. Il nous semble cependant qu’ils jettent le bébé et gardent l’eau du bain.
Qu’est-ce que vous pensez des banques ? Nous, en tout cas, nous pensons qu’elles ont de tout temps été les pires ennemies de leurs propres clients et que, à la faveur de la crise, leurs dirigeants ont démontré leur parfaite incompétence. Les Caisses d’Épargne ne sont pas à l’abri de ce jugement, qui ont perdu quelque sept cent millions d’euros par la faute d’un trader et ne sont pas dans leur meilleure forme, alors qu’elles étaient censées représenter la sécurité absolue pour leurs clients. S’il existe aujourd’hui une idée qui ne choque plus personne, pas même les ultralibéraux, c’est celle de nationaliser les banques. Elles ne peuvent plus se passer de l’État, leurs clients ne peuvent plus se passer de l’État et c’est l’État qui, l’année dernière, a sauvé les banques et leurs clients, ce qu’on ne répète pas assez. Alors, déontologie ou pas, non, nous ne sommes pas choqués de ce que le président de la République veuille garder la haute main sur le nouveau groupe bancaire qu’il est en train de créer. Nous y voyons même une urgence et une nécessité.
Le sceau de l’infamie.
Mais au-delà d’une décision qui ne vaut pas la polémique qu’elle a soulevée, on relève cette ambiance de haro sur Sarkozy qui gagne à peu près tous les milieux politiques. Si vous voulez faire un tabac dans les médias, surtout ne vous gênez pas. Tapez sur le chef de l’État, vous êtes sûr de vous faire remarquer, que vous soyez de gauche ou de droite. On accorde une prime à la haine aveugle, à cette psychose du peuple qui fait que tout ce qui vient du pouvoir est nécessairement nauséabond. Mais si l’on se distingue en se gaussant de Sarkozy, le consensus antiprésidentiel est tel que l’on commence à se distinguer en prenant sa défense. Cette noire peinture du pouvoir ne serait-elle pas excessive ? Ce barrage d’artillerie contre l’Élysée, accusé de tous les complots, de tous les vices, de toutes les erreurs, est-il crédible ? Cette détestation systématique n’est-elle pas suspecte ? Et comme les sondages deviennent assez défavorables à M. Sarkozy, ne doit-on pas voir dans les assauts contre lui la panique des rats qui quittent le navire tout en décelant le sursaut triomphant d’une opposition qui semble oublier qu’elle ne peut mettre à terre un homme élu pour encore trois ans ?
On rejoindra Michel Charasse, socialiste atypique qui refuse de hurler avec les loups et prend le soin de souligner ce que M. Sarkozy fait bien avant de critiquer ce qu’il fait mal : « Le jour où vous décidez de travailler avec le président de la République, quel qu’il soit, vous êtes marqué du sceau de l’infamie... Si M. Sarkozy ne s’était pas occupé du dossier, on le lui aurait reproché, maintenant qu’il s’en occupe, on le critique ». On ne saurait mieux dire.
François Pérol dirigera le nouveau groupe bancaire
CETTE NOIRE PEINTURE DU POUVOIR NE SRAIT-ELLE PAS EXCESSIVE ?
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