« Le premier financement de la télécardiologie reste le bénévolat. » Le Dr Arnaud Lazarus, rythmologue interventionnel, ne se veut même pas cynique. Il exprime la réalité vécue par les professionnels de santé qui réalisent des actes de télémédecine au quotidien auprès de leurs patients.
Et pourtant, le bilan du suivi en télécardiologie est largement positif. C’est ce qu’explique Daniel Jouen, président de l’Apodec (Association de porteurs de défibrillateurs cardiaques). En France, 40 000 porteurs de prothèses cardiaques bénéficient d’une télésurveillance. La télécardiologie facilite l’implantation de la prothèse. Elle rassure les porteurs et leur famille. Les informations médicales de chaque patient sont transmises dans un centre de télésuivi. Ce suivi à distance génère une liberté de vie et des visites de contrôle bien moins nombreuses. Ce qui engendre moins d’absences au travail.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : réduction de moitié du taux de mortalité, du nombre d’hospitalisations ; et surtout une diminution drastique des coûts évaluée par le responsable de l’association de patients à 315 euros d’économies par an et par patient.
Déploiement menacé
Malgré ce succès, la poursuite du déploiement de la télécardiologie est menacée : « Tous les porteurs sont éligibles à la télécardiologie. Mais tous n’y auront pas accès », explique Daniel Jouen.
Sur le terrain, comment cela se passe-t-il exactement ? Le Dr Arnaud Lazarus confirme la situation de blocage : « La télésurveillance concerne seulement 15 % des patients. » Selon lui, les financements provenant des agences régionales de santé (ARS) et de certains industriels restent trop sporadiques. Les professionnels de santé attendent de la part des pouvoirs publics un financement total de l’acte, mais qui ne vient pas.
Au-delà du prix du défibrillateur déjà pris en charge depuis 2005, quelle serait la somme nécessaire pour assurer la pérennité des actes de suivi à distance ? Arnaud Lazarus part d’une étude Medicost. Celle-ci mentionne la nécessité d’une économie de 315 euros par patient et par an. Selon lui, un paiement forfaitaire annuel de 270 euros payé au cardiologue serait suffisant. Cela inclurait la visite annuelle physique avec le patient.
L’industriel Vincent Peters, société Biotronik, modère cette inquiétude : « Il y a eu un premier remboursement des défibrillateurs par l’assurance maladie en 2009. » Ce financement est basé sur une augmentation du prix de la prothèse implantée à partir de l’enveloppe hospitalière. Le problème s’est posé en 2011 quand les défibrillateurs ont été pris en charge dans d’autres forfaits hospitaliers (GHS). Le volet Financement de la télécardiologie en est sorti. Depuis 2011, une réflexion est menée sur un autre mode de prestation qui s’apparente plus à un forfait ville en télécardiologie obligatoire. Qui plus est, « l’assurance maladie a du mal à mettre en place la dématérialisation des actes malgré l’efficacité de ce système ».
Un mode de prise en charge à améliorer
Comment alors sortir de l’impasse ? Ce type de dispositif s’inscrit dans le cadre de la liste en sus et du titre III de la liste des prestations remboursables, non pris en charge dans le cadre des GHS. Le tarif est décidé au niveau du CEPS et le remboursement au niveau de l’assurance maladie est effectué par le Conseil de l’hospitalisation après inscription sur la liste en sus au Conseil des ministres. Sont remboursés depuis 2009 le dispositif de transmission et la prise en charge des communications et du stockage des données. Pourquoi l’assurance maladie ne va-t-elle pas au-delà ? Selon André Tanti (CEPS), les règles de l’assurance maladie interdisent tout contact direct entre le patient et un industriel/laboratoire. Or, dans le dispositif de la télémédecine, on est toujours obligé de revenir au fabricant. À partir du moment où un acte de télésuivi est créé, le contact direct n’existe plus. « Cette règle est aujourd’hui paralysante », explique-t-il. Et d’ajouter : « L’industriel doit recueillir le NIR du patient. Cela constitue aussi un point bloquant pour l’assurance maladie pour l’instant. » Un texte est en préparation sur ce sujet. In fine, l’assurance maladie ne souhaite pas devoir facturer des prestations qu’elle va être amenée à rembourser. Bref, réussira-t-elle à trouver la quadrature du cercle ?
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