PAR LES Drs HENRI GRACIES* ET QUENTIN LEVEQUE**
LA SURVEILLANCE de la pression intraoculaire (PIO) au cours de la chirurgie réfractive a permis de préciser le rôle de l'épaisseur cornéenne. Mais la baisse de la PIO est parfois apparue plus importante que ne le laissait présager l'amincissement cornéen. Le concept de trabéculoplastie pneumatique ou pneumotrabéculoplastie (PNT) est né et la procédure a été évaluée dans le cadre d'une étude pilote publiée en 2005 (1) incluant 37 patients dont les deux yeux ont été traités à un mois d'intervalle, avec 15,8 % de réduction (3,9 mm Hg) pour le premier œil et 7,2 % (1,7 mm Hg) pour le second, au 120e jour.
La même année, G. Avalos Urzua et coll. ont rapporté les résultats de deux études (2). La première, ménée par John T. Livecchi, a concerné une série de 177 patients (320 yeux) et la baisse moyenne de PIO a été de 6,3 mm Hg, avec un suivi moyen de 23,5 mois. Leo D. Bores a suivi 172 patients (317 yeux) et la baisse moyenne obtenue a été de 3,4 mm Hg pour un suivi moyen de 9 mois. Dans les deux cas, la prise en charge médicale a tendu vers une diminution du nombre de traitements associés.
Une efficacité pressionnelle attestée.
En 2006, G. Prigione et al. ont présenté, lors de la réunion annuelle de l'Association for Research in Vision and Ophthalmology (ARVO), les résultats de 83 yeux pris en charge au Ghana et la baisse moyenne de PIO a été de 17,32 %. Les investigateurs ont souligné la possibilité de traitements itératifs, utiles pour une population d'observance médiocre. La même année, lors du congrès de l'European Society of Cataract and Refractive Surgeons, L. Antico a soumis les résultats de 40 patients (79 yeux) avec une baisse moyenne de PIO de 14,6 % à 24 semaines. D'autres études portant sur de petits effectifs ont donné des résultats concordants : une baisse pressionnelle significative, souvent modérée et transitoire. Lors de la réunion 2007 de l'ARVO, P. Fogagnolo a évoqué l'existence de non-répondeurs (23-32 %), avec une baisse moyenne de 17,9 % (63 patients), et de 23 % en prenant uniquement en compte les bons répondeurs, la PNT ayant été plus efficace en cas de traitement antérieur par latanoprost qu'avec les bêtabloquants (22,8 % vs 11 %).
La PNn geste simple.
Un anneau de succion stérile à usage unique est posé au niveau du limbe après anesthésie topique. Il est relié par une tubulure à un moteur qui crée une dépression homogène de 21 inches (53,34 cm) de mercure durant 60 secondes. L'anneau est retiré, puis la manœuvre est renouvelée cinq minutes plus tard. Un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) peut être prescrit et l'intérêt d'une instillation d'apraclonidine à 1 % demeure discuté. L'effet est maximal entre 30 et 60 jours après la procédure et il semble partiellement concerner l'œil adelphe. Il est donc proposé de réaliser les deux premières séances à une semaine d'intervalle, puis les suivantes tous les trois à six mois selon le résultat pressionnel. Une fiche d'information au patient et de consentement éclairé peut être fournie par le distributeur.
Le mode d'action reste a préciser. Une amélioration de la filtration d'humeur aqueuse par étirement mécanique du trabéculum est l'hypothèse la plus communément admise, mais des médiateurs chimiques pourraient être impliqués. Une augmentation de la réflectivité uvéale et surtout une diminution de la taille du corps ciliaire ont été objectivées par biomicroscopie par ultrasons (figure), sans modification de l'angle iridocornéen.
Des indications et des contre-indications encore imprécises.
Les indications retenues (certification européenne reçue en juin 2004) sont l'hypertonie oculaire ou le glaucome chronique, avec un angle iridocornéen ouvert, une PIO inférieure à 25 mm Hg avec ou sans traitement local et sans altération du champ visuel. Pourquoi de telles limites pressionnelles et périmétriques ? Avec une baisse de la PIO qui pourrait être proche de celle obtenue par la trabéculoplastie au laser, les indications pourraient en être voisines, la technique ayant de plus l'avantage d'être efficace chez le sujet jeune, en cas de grossesse contre-indiquant les thérapeutiques médicales en cours, par exemple. La possibilité de diminuer les traitements médicaux et le bénéfice corollaire en termes d'observance, a également été mise en avant.
Les contre-indications sont, par précaution, les inflammations oculaires, les angles étroits, les fragilités rétiniennes (dégénérescence maculaire liée à l'âge, rétinopathie diabétique, myopie supérieure à 6 D), les atteintes importantes du champ visuel et les atteintes cornéennes (kératoplastie transfixiante, syndrome de sécheresse oculaire sévère, etc.) Au cours d'un travail récent non publié, deux élévations paradoxales de la PIO en cas de syndrome de dispersion pigmentaire ont été observées, bien que le glaucome pigmentaire ne soit pas une contre-indication.
Aucune complication grave.
Les analyses confirment pour la PNT l'absence de complication grave déjà notée avec le Lasik (où la dépression est quatre fois plus importante). Les effets indésirables sont locaux : hémorragies sous-conjonctivales, hyperhémies ou kératites ponctuées superficielles. Il n'a jamais été observé d'occlusion vasculaire, de décollement de rétine, de trou rétinien ou d'œdème maculaire. La possibilité de traitements itératifs semble un avantage, mais la nécessité de répéter les séances de PNT afin de maintenir l'effet pressionnel limite également l'efficacité de la technique à long terme, le geste étant rarement perçu comme anodin par le patient.
* Institut du glaucome, fondation hôpital Saint-Joseph, Paris.
** Clamart.
(1) Bucci MG, et al., Pilot study to evaluate the efficacy and safety of pneumatic trabeculoplasty in glaucoma and ocular hypertension. Eur J Ophthalmol 2005;15 : 347-52.
(2) Avalos Urzua G, Bores LD, Livecchi JT. Pneumatic trabeculoplasty - A new method to treat primary open-angle glaucoma and reduce the number of concomitant medications. Ann Ophtalmol 2005 ; 37 : 37-46.
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