LE PREMIER entretien de M. Hollande avec la chancelière l’aura plongé au cœur de la tourmente. Le débat franco-allemand qu’il a lancé sur la nécessité de la croissance, dont on ne cesse de lui rappeler qu’elle ne se décrète pas, crée une tension inédite avec Berlin : Mme Merkel rejette toute expansion économique qui serait financée par la consommation et donc par le crédit. Le président Hollande, pour sa part, ne souhaite pas encourager la croissance par une politique de l’offre, dont les résultats ne seraient obtenus qu’à long terme. Les Français qui l’ont élu sont à la fois ceux qui souffrent le plus de la crise et ceux qui attendent un soulagement rapide. M. Hollande n’aura pas manqué de rappeler à la chancelière les engagements électoraux qu’il a pris.
Merkel reste populaire.
Le nouveau président français a constaté l’échec des conservateurs allemands (au pouvoir) dans l’élection partielle en Rhénanie-Westphalie du Nord. Il espère peut-être un changement de gouvernement lors des élections générales allemandes de l’an prochain. Mais Angela Merkel reste extrêmement populaire. Son vœu secret est de garder le pouvoir en changeant de gouvernement et en remplaçant les libéraux, dirigés par Guido Westerwelle, actuel ministre des Affaires étrangères, par les socialistes du SPD. Il est présomptueux de croire qu’on peut changer l’état d’esprit de la chancelière qui a fini par dominer Nicolas Sarkozy, pourtant habile à se faire entendre. Tout au plus M. Hollande peut-il se féliciter de trouver des soutiens dans les pays de l’Europe du Sud, affreusement malmenés par l’austérité.
Le fond du problème, toutefois, ne dépend pas du jeu des alliances et renversements d’alliances. Les marchés chutent, l’euro baisse par rapport au dollar, les perspectives de croissance en France sont inférieures aux chiffres proposés par le programme socialiste. Il n’y a pas une minute à perdre. Il n’est pas impossible que la Grèce, incapable de trouver une direction politique, déjà prête à procéder à de nouvelles élections, finisse par sortir de l’euro, ce qui consacrerait l’échec historique de la monnaie unique. La France, certes, doit observer minutieusement ce qui se passe dans son environnement financier immédiat. Elle n’a pas le droit, pour autant, de baisser sa garde. Elle doit poursuivre dans la voie de la réduction des déficits, même si, et surtout si, la zone euro s’affaiblit ou implose.
Le président dispose certes d’une arme puissante, celle de la fiscalité, qu’il compte utiliser largement. Le retour à l’ISF antérieur à M. Sarkozy est pour cette année, non en 2013 ; les prélèvements sur les revenus de l’épargne seront augmentés ; la fusion CSG-IR n’est pas abandonnée ; les niches fiscales ne dépasseront pas 10 000 euros par an. Par rapport aux besoins de financement de l’État et des mesures nouvelles que le président a l’intention d’appliquer, de telles recettes sont de la roupie de sansonnet. Il faudra taxer aussi les classes moyennes. À n’en pas douter, on ne peut pas invoquer la crise et en ignorer les conséquences. Cependant, dès lors que la pression fiscale est déjà très élevée, son aggravation ne favorisera pas la croissance. De plus, la dépense publique, de dix points plus élevée qu’en Allemagne, doit être réduite si l’on veut investir dans la réindustrialisation. On n’en prendra pas le chemin si on vise l’équilibre budgétaire par la seule augmentation des impôts ; et ce n’est pas seulement une affaire de riches et de pauvres.
En conséquence, le discours politique du président Hollande n’adhère pas complètement à son choix de garder l’économie de marché. Il ne peut aller en Allemagne ou aux États-Unis sans dire ce qu’il faut pour rassurer des interlocuteurs qui le reconnaîtront d’autant plus vite qu’il n’est pas « dangereux », comme il a cru bon de l’affirmer devant des journalistes britanniques avant le premier tour de la présidentielle. Tel qu’il est, son programme de retour aux équilibres fondamentaux demande un an de plus que celui de Nicolas Sarkozy. S’il lui fallait un nouveau délai, alors même que ses objectifs sont contestés, on peut imaginer des scénarios catastrophiques.
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