Tandis qu'elle prépare avec une minutie d'orfèvre des écrevisses à la présidente, Lady Campbell, qui a enfermé sa domesticité à la cave pour avoir la paix, se souvient du temps où tout Paris la connaissait sous le nom de Marguerite Steinheil, femme d'un peintre de petit renom et maîtresse du président de la République, Félix Faure. Dans sa précieuse robe du soir, joyaux aux oreilles et autour du cou, coiffure mousseuse de cheveux roux comme flammes d'enfer, elle officie avec l'élégance d'une grande femme du monde et la précision d'un excellent maître-queue. Christian Siméon tresse deux fils : celui de la préparation culinaire très élaborée, celui de la vie de ce personnage pour jamais énigmatique mêlé à des affaires extravagantes qui défrayèrent la chronique : en 1899 la mort, dans ses bras, de Félix Faure fut un scandale astronomique ; huit ans plus tard, l'assassinat, en sa présence, de son mari et de sa mère dans des conditions jamais élucidées, aggrava sa réputation sulfureuse. Mais elle finit, après un séjour en prison, baronne, en Angleterre.
C'est là que l'écrivain la saisit, tente de la cerner. Il n'a pas pour rien intitulé son texte « la Priapée des écrevisses ». L'humour est constant et très personnel qui soulève sans cesse les réflexions de la belle. Menteuse, affabulatrice, manipulatrice, inquiétante et enjoleuse, telle est la femme qu'incarne avec une intelligence éblouissante Marilu Marini. Jean-Michel Ribes qui la met en scène organise une chorégraphie amusante accordée à l'esprit du texte qui mêle tragique et cocasse en un ruban tissé très serré. Récital Marilu Marini, comédienne virtuose, capable de suivre toutes les humeurs changeantes et contrastées du personnage avec une subtilité magnifique et touchante. C'est insolite, jubilatoire, drôle et lorsque Ribes la fait chanter, on se rend compte que l'escalier qui mène à la cuisine est aussi imposant que celui d'un music-hall ! On découvre un auteur original, très personnel, on retrouve une femme énigmatique, déesse de faits divers cruels, on applaudit une immense interprète, belle, libre, audacieuse.
Théâtre de la Pépinière-Opéra à 20 h 45 du mardi au samedi, en matinée le samedi à 18 h. Durée : 1 h 30 (01.42.61.44.16.). Le texte a fait l'objet d'une publication.
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