Une structure cérébrale qui contrôle les rotations de la tête

Publié le 14/02/2002
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Les mécanismes neurologiques assurant le port de tête sont mal connus. Mais une approche de ces mécanismes est possible par le biais du système oculomoteur, les changements d'orientation du regard associant mouvements des yeux et mouvements de la tête.

L'hypothèse de départ de l'équipe canadienne était qu'une partie au moins des mécanismes déterminants les mouvements de la tête sont assurés par le noyau de Cajal. Sur un plan fonctionnel, en effet, cette structure est déjà impliquée dans l'intégration des signaux déterminant les mouvements oculomoteurs verticaux et de torsion (autour d'un axe joignant le nez à l'arrière du crâne). Et sur un plan anatomique, certains des neurones de ce noyau paraissent impliqués dans le contrôle des muscles du cou.
Deux séries d'expériences ont été menées chez des macaques. La première repose sur des stimulations électriques appliquées en divers sites du noyau de Cajal chez des animaux fixant leur regard. Ces stimulations se sont révélées provoquer essentiellement des mouvements de rotation de la tête autour d'un axe horizontal antéro-postérieur, très similaires à un torticolis. On note que la stimulation appliquée à droite du noyau provoque une rotation dans le sens des aiguilles d'une montre (du point de vue de l'animal) et que la stimulation à gauche provoque un mouvement inverse.

Incapables de maintenir leur tête

Dans la seconde série d'expériences, une inactivation réversible a été provoquée au niveau du noyau de Cajal par injection d'un agoniste des récepteurs GABA (muscimol). L'agoniste n'a pas empêché les mouvements de la tête accompagnant ceux des yeux. En revanche, les animaux se sont montrés incapables de maintenir leur tête en position après le mouvement : elle retombait vers une position de repos sous l'effet de sa propre masse. Une fois encore, c'est bien précisément le noyau de Cajal qui semble en cause, puisque les injections effectuées à sa périphérie sont restées sans effet.
En outre, chez des singes fixant leur regard, des injections localisées ont montrée que l'inactivation de la partie gauche du noyau de Cajal provoque une rotation de la tête dans le sens des aiguilles d'une montre, tandis qu'une injection dans la partie droite du noyau provoque une rotation inverse - soit le contraire des effets observés avec la stimulation électrique.
L'interprétation donnée par les auteurs à ces résultats est que le noyau de Cajal constitue bien le site d'intégration des signaux déterminant les mouvements de rotation de la tête autour d'un axe horizontal antéro-postérieur et permettant de maintenir la tête en position. C'est d'ailleurs déjà cette fonction que le noyau de Cajal assure pour le même mouvement des yeux. Selon les auteurs, cette analogie n'implique toutefois nullement que les mêmes neurones soient mis en jeu dans un cas et dans l'autre.
Quoi qu'il en soit, cette interprétation conduit à l'hypothèse d'une implication du noyau de Cajal dans certains torticolis, le déséquilibre d'activité entre parties gauche et droite du noyau pouvant provenir d'une lésion du noyau lui-même ou d'un déséquilibre des signaux arrivant au noyau.

E. M. Klier et coll. « Science », vol. 295, 15 février 2002.

Vincent BARGOIN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7067