Une stratégie mondiale de lutte contre les maladies chroniques

Publié le 28/04/2003
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Le rapport présenté officiellement au siège de la FAO (Rome) pourrait être perçu comme l'annonce d'une déclaration de guerre. « Nous sommes en face d'une épidémie mondiale croissante de morts prématurées et de handicaps liés à des maladies chroniques », a déclaré en préambule le Dr Harlem Brundtland, directeur général de l'OMS.

Maladies cardio-vasculaires, cancer (certaines formes), diabète, obésité, ostéoporose et affections bucco-dentaires sont en constante augmentation, non seulement dans les pays riches, mais aussi, et c'est nouveau, dans les pays en développement. « Les maladies cardio-vasculaires sont maintenant plus nombreuses en Inde et en Chine que dans l'ensemble des pays développés », note le Dr Brundtland.
Face à ce fléau, l'OMS et la FAO militent pour une riposte mondiale. Le rapport, auquel ont collaboré, pendant deux ans, une trentaine d'experts OMS/FAO et autant d'experts indépendants, entend poser les bases scientifiques de cette stratégie qui devra être finalisée et présentée lors d'un conseil exécutif en janvier 2004.
Leurs conclusions, fondées sur une revue des connaissances les plus actuelles sur les liens entre l'alimentation, la nutrition, l'exercice physique et les maladies chroniques, établissent qu'une alimentation saine est un élément important dans la prévention des maladies chroniques.

Une intervention même modeste

En 150 pages, le rapport dresse un panorama de la progression rapide de l'incidence de ces maladies dans le monde et formule des recommandations précises en matière d'alimentation.
En 2001, 59 % des 56,5 millions de décès enregistrés dans le monde étaient dus à des maladies chroniques, lesquelles ont représenté 46 % de la morbidité totale. « Notre expérience prouve que des interventions même modestes sur l'alimentation et l'exercice physique, mais généralisées à toute une population, peuvent modifier de manière importante la charge des maladies chroniques dans un laps de temps étonnamment bref », explique le Dr Brundtland. « Nous savons depuis longtemps qu'une alimentation riche en graisses saturées, en sucre et en sel est mauvaise pour la santé », a-t-elle rappelé.
Les apports quotidiens recommandés (voir encadré) visent donc à assurer un régime pauvre en graisses saturées, en sucre ajouté ainsi qu'en sel et riche en fruits et en légumes.
« De nos jours, seule une minorité dans le monde consomme les quantités de fruits et de légumes recommandées dans le rapport. Nos organisations ont la tâche difficile de trouver les moyens d'accroître l'approvisionnement en fruits et légumes d'une manière qui permette à toutes les populations du monde d'y avoir accès », affirme, pour sa part, le Dr Jacques Diouf, directeur général de la FAO.

Le rôle du secteur agroalimentaire

Les liens entre les secteurs de l'agriculture et de la santé devront, pour cela, être renforcés. « Cela aura de profondes répercussions sur la production agricole, les méthodes de transformation ainsi que le commerce », note le rapport. Le secteur agroalimentaire aura un rôle essentiel à jouer dans la mise au point de solutions durables. Le rapport sera suivi, dans le mois qui vient, d'une série de consultations, avec, en particulier, les hauts responsables de certaines des plus grandes sociétés du secteur.
Les sucriers américains ont déjà réagi et contestent la limite conseillée pour les sucres ajoutés mis dans les sodas, sauces, biscuits ou hamburgers. Le jour même de sa présentation, l'ambassadeur américain à la FAO a mis en doute le caractère scientifique du document. Dans un communiqué, il affirme que « le rapport ne parvient pas à présenter un corpus complet de preuves pour servir de base à une politique de recommandations de l'OMS et de la FAO ». Des rumeurs font état de pressions exercées sur l'OMS qui aurait été menacée de se voir retirer les 406 millions de dollars de fonds américains.

Les recommandations

Des recommandations spécifiques en matière d'alimentation ont été formulées dans le rapport des experts :
- les lipides consommés ne doivent pas représenter plus de 15 à 30 % de l'apport calorique quotidien, les graisses saturées moins de 10 % ;
- les glucides doivent être majoritaires dans la ration calorique, entre 55 et 75 % de l'apport énergétique total quotidien, mais avec moins de 10 % de sucre ajouté ;
- le sel doit être iodé, avec une dose consommée inférieure à 5 g par jour ;
- les protéines doivent représenter de 10 à 15 % de la ration quotidienne ;
- fruits et légumes : au moins 400 grammes par jour ;
- exercice physique pour l'équilibre calorique et le maintien d'un poids sain.

Dr Lydia ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7325