La localisation des hémorragies intracérébrales du sujet jeune est essentielle dans la stratégie diagnostique. Comme chez le sujet âgé, les étiologies dominantes de ces accidents vasculaires cérébraux sont l'HTA dans les hémorragies profondes et les malformations vasculaires dans les hémorragies lobaires. Mais ils se distinguent par un éventail d'étiologies plus étendu incluant des causes rares, voire anecdotiques.
LA LIMITE d'âge définissant les hémorragies cérébrales (HC) du sujet jeune (HCSJ) est inférieure à celle appliquée aux infarctus cérébraux. Elle est fixée à 40-45 ans contre 55 ans (cf. encadré). Ce seuil plus bas correspond en fait à un cut off en termes d'étiologies, explique le Pr Didier Smadja*.
Les HC chez les 15-45 ans représentent 1,5 % de l'ensemble des accidents vasculaires cérébraux (AVC). Comparé aux infarctus cérébraux, il existe très peu de données épidémiologiques sur les HC dans cette population. Pourtant, les AVC hémorragiques sont nettement plus fréquents chez le sujet jeune que chez le sujet âgé. Chez le sujet jeune, la part respective des localisations lobaires et profondes varie selon l'origine des patients. Les HCSJ lobaires prédominent chez les Caucasiens (1). À l'inverse, une fréquence plus élevée des hémorragies des noyaux gris centraux a été mise en évidence chez les Asiatiques (2).
De nombreuses causes possibles.
De 68 à 80 % des HCSJ vont avoir une étiologie identifiée. Une proportion non négligeable de cas reste donc inexpliquée, et ce malgré un bilan poussé. Responsables chacune d'environ un tiers des cas, l'hypertension artérielle (HTA) et les malformations vasculaires figurent en tête des étiologies des HCSJ. L'HTA joue un rôle plus important que chez le sujet âgé. De nombreuses autres causes sont possibles : les coagulopathies, les dyscrasies, les tumeurs malignes, les thromboses veineuses cérébrales, la maladie de Moya-Moya, les vascularites cérébrales, les drogues, l'alcool…
Deux notions sont importantes à retenir chez le sujet jeune. Elles concernent les étiologies selon les tranches d'âge et la localisation. On observe ainsi, d'une part, une augmentation de la fréquence de l'HTA avec l'âge et un pic des malformations vasculaires entre 20 et 30 ans et, d'autre part, pour les hémorragies lobaires, des causes dominées par les malformations vasculaires alors que, chez le sujet âgé, elles sont plus souvent liées à une HTA (1).
Éliminer une malformation vasculaire.
Le bilan d'imagerie de première intention vise à éliminer une malformation vasculaire. Il doit comporter un scanner et/ou une IRM avec des séquences angiographiques, éventuellement un angioscanner multibarette s'il est accessible, cet examen étant plus sensible que l'angio-IRM. À noter que l'IRM au gadolinium a largement démontré sa supériorité dans cette indication.
Un bilan biologique standard, avec recherche d'une coagulopathie hémorragipare (hémophilie, maladie de von Willebrand, etc.), est pratiqué conjointement à l'imagerie. Il sera complété selon les cas par d'autres investigations. Chez le sujet jeune, il est important de demander une recherche de toxiques dans le sang et les urines, et ce dès les premières heures du fait de la disparition rapide de certains d'entre eux (cocaïne).
Si ce premier bilan est négatif, souligne le Pr Smadja, « une angiographie conventionnelle est justifiée, sauf peut-être chez un hypertendu dont l'IRM révèle des signes patents de maladie des petits vaisseaux ». Contrairement à l'infarctus cérébral, cet examen garde une grande place dans les HC. Sa rentabilité est plus faible dans les hémorragies profondes que dans les hémorragies lobaires, mais elle est tout de même d'un tiers.
Chez les patients ayant un cavernome, parce que la malformation est souvent masquée lors de la phase aiguë de l'HC, le diagnostic est réalisé, surtout, soit en présence de cavernomes intracérébraux multiples, soit lors d'une IRM pratiquée à six mois. En cas de négativité de la première angiographie, une seconde est parfois discutée, note le Pr Smadja, «une petite malformation vasculaire pouvant également être initialement masquée» (3).
Enfin, certaines situations particulières nécessitent des examens complémentaires spécifiques. C'est notamment le cas, dans les hémorragies lobaires, de la maladie de Rendu-Osler et de l'amylose, dont le diagnostic est orienté par les contextes familiaux, et dans les hémorragies profondes, du CADASIL (Cerebral Autosomal Dominant Arteriopathy with Subcortical Infarcts and Leukoencephalopathy) et de la mutation COL4A1 suspectée devant des hémorragies intracérébrales récidivantes ou une hémiplégie infantile (4).
Réunion commune de la Société française neuro-vasculaire (SFNV) et de la Société française de neurochirurgie (SFNC). D'après la communication du Pr Didier Smadja, service de neurologie, CHU de Fort-de-France - hôpital Pierre Zobda-Quitman.
(1) Ruiz-Sandoval JL et al. Stroke 1999;30:537-41.
(2) Lai SL et al. Eur J Neurol 2005;12:310-6.
(3) Hino A et al. Stroke 1998;29:2517-21.
(4) Vahedi K et al. Stroke 2007;38:1461-4.
Les infarctus cérébraux du sujet jeune
Définis comme des AVC survenant dans la tranche d'âge 16-55 ans, les infarctus cérébraux du sujet jeune présentent quelques particularités notamment étiologiques : des dissections fréquentes (un tiers des cas), des cardiopathies emboligènes avec la maladie athéromateuse et beaucoup de causes rares. Malgré un bilan exhaustif, de 20 à 40 % des cas restent sans cause identifiée. Afin d'éviter la réalisation de bilans extensifs inutiles et coûteux, un groupe d'experts réuni sous l'égide de la Société française de neurologie a élaboré des recommandations pour le bilan étiologique de ces AVC, présentées le Pr François Rouanet (service de neurologie, CHU de Bordeaux).
Schématiquement, et de façon non exhaustive, l'angio-IRM est l'examen d'imagerie de référence, le bilan cardiaque doit comporter systématiquement un EEG et une radiographie thoracique et, dans certains cas (patients avec sensation de palpitation, imagerie en faveur d'une origine cardio-embolique), un Holter rythmique. Le bilan biologique usuel n'a rien de très spécifique. En revanche, les experts proposent systématiquement une sérologie VIH parce qu'il existe un traitement et qu'elle peut orienter le clinicien vers une situation étiologique particulière. Ils préconisent aussi la recherche de toxiques. Enfin, concernant la génétique et les causes rares, le Pr Rouanet rappelle que les infarctus cérébraux sont rarement monogéniques. Compte tenu de leur coût, des explorations spécifiques ne seront pratiquées qu'en cas de forte suspicion clinique ou d'histoire familiale. La version finale de ces recommandations, qui est en cours de validation, sera bientôt disponible.
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